Suite de nos aventures au Hellfest 2019, après un jeudi placé sous le signe de la débauche, ce vendredi est clairement celui de la résilience.
Manau where ?
Au réveil, une nouvelle rigolote à défaut d’être bonne m’empêche de sombrer totalement dans le mal : le groupe Manowar annule sa venue. Des rumeurs courent bon train sur la raison de leur départ précipité du site jeudi soir, certains avançant qu’ils avaient demandé une rampe supplémentaire pour leur show et que Ben Barbaud avait dit non, d’autres qu’ils voulaient excéder les décibels légaux et que Ben Barbaud avait dit non, ou encore que Ben Barbaud leur mettait malicieusement des olives pendant les répètes et leur faisait ensuite “t’as une tâche pistache” avec le doigt plein de caca en ricanant, mais ça c’est la rumeur que j’ai lancée moi, donc n’y prêtez pas une foi trop grande. Quoi qu’il en soit réellement, c’est un sacré gâchis, surtout quand on sait que l’annonce de leur présence cette année avait été faite en grande pompe lors de l’édition précédente, et que Joey De Maio nous a teasé la gueule en proclamant qu’il allait tout niquer et qu’on verrait bien ce qu’on verrait. Du coup on verra rien, hein. Ils sont remplacés au pied levé par Sabaton, qui jouait déjà au Knotfest la veille, et que j’aurai donc le luxe de ne pas aller voir pour le deuxième soir d’affilée. Perso j’aurais plutôt choisi de les remplacer par un partage de scène entre Manau et Gwar, mais que voulez-vous, mes idées ne sont jamais prises au sérieux (Ben Barbaud démission). Petit jeu bonus pour vous, sur la photo ci-dessous, parmi les personnes venant d’apprendre l’annulation de Manowar, laquelle voulait voir le groupe ? Un indice, c’est la personne avec le t-shirt Manowar et qui a envie de mourir.
Le poil de la bête
Je quitte le camping vers 10h et traîne mon corps souffrant vers l’espace presse, et après la rédaction très compliquée de mon report, je tente de reprendre du poil de la bête en me prenant un cola au bar proche de la scène Altar. Il est 14h, et ça fait donc 4h que les barmans servent à boire, mais ma commande de soft crée l’événement car c’est visiblement la 1ère fois de la journée que quelqu’un demande autre chose que de la bière. Ce monde part à vau-l’eau… Armé de mon remontant je pars voir mon 1er véritable groupe du Hellfest 2019, Daughters, un groupe de Noise/Mathcore qui jouit d’une hype très select. Je ne sais pas si c’était l’effet voulu, mais j’ai ressenti exactement la même chose devant ce concert que lorsqu’on m’engueule sans raison dans mes cauchemars. Enfin ça, mais en pas déplaisant. Je dois hélas quitter ce rêve bizarre – mais incroyablement incarné – prématurément, car il faut que j’aille mourir quelque part un moment.
Après l’errance, direction le bar VIP pour une nécessaire power nap de deux heures car cet endroit dispose, petit un, d’ombre, et petit deux, d’un sol. Mon corps libère les toxines de la veille sur fond de Godsmack et de No One is Innocent, car les concerts des mainstages sont diffusés sur écran géant dans ce même bar, pour les grosses feignasses de journalistes peu désireux de se mêler à la plèbe. Bon Godsmack c’est nul bien sûr, mais qu’attendre d’un groupe de neo metal ricain qui s’appelle “le poutou de Dieu” et qui a participé à la BO du Roi Scorpion ? No One is innocent eux, ont l’air de vivre leur meilleur concert, et il faut vraiment saluer l’énergie monumentale de ce groupe qui a toujours la patate, est toujours debout, après tant d’années de bons offices. C’est leur belle prestation qui me sort du coma, juste assez pour aller refaire une sieste au camping. Ne me jugez pas, j’étais en souffrance.
Support your local scene
Frais comme un demi-gardon sur les coups de 18h, la journée peut commencer ! Les reprises punks de Billy Joel et Elton John de Me First and The Gimme Gimmes me font un peu sourire, mais le show est bien trop américain pour s’attirer les faveurs d’un public warzone, et le frontman bien trop bavard. J’écourte donc mon séjour en leur compagnie pour me placer comme il se doit pour Ultra Vomit. J’avoue ne pas être très excité par un énième concert de la bande à Fetus, car en tant que pur cœur de cible de ce produit culturel je les ai vus 11 000 fois déjà. Mon apathie n’a cependant pas l’air d’être partagée par la foule déjà goguenarde qui se masse aux abords de la mainstage 2 sur fond de Dream Theater qui font des trucs techniques avec leurs guitares en mainstage 1. Et je rejoins bien vite l’engouement général quand les surprises imaginées par le groupe me font invariablement passer de l’émerveillement au rire le plus franc. Même en les ayant vu 10 000 fois (j’avais un peu exagéré avant), ils arrivent toujours à trouver de nouveaux concepts ingénieux et débiles à la fois qui rendent chaque concert unique. On a tout de même eu le droit à un feat avec le vrai Calogero sur scène pendant Calojira ! Bon, il s’avère que c’était un sosie, mais comme j’y ai cru jusqu’à 2h du mat, l’effet était le même. Et ils ont clairement signé la meilleure utilisation des nouveaux écrans géants des mainstages de la journée, en y foutant tout simplement Maïté.
Du Riff Hi-Fi en veux-tu en voilà
Le soleil commence à se coucher sur le site quand résonnent les airs irrésistiblement festifs des Dropkick Murphys, et à ce moment là, ok, on est pas mal. Le site est toujours plus beau, plus pratique, plus tout, il y a des détails de déco à observer partout, et même les habitués du festival comme moi ne peuvent rester tout à fait insensible à la majesté des lieux quand la nuit commence doucement à y prendre ses quartiers. C’est souvent salué, mais ça mérite de l’être systématiquement. L’art est omniprésent ici et ça vous ragaillardise n’importe quelle âme en gueule de bois. Le cœur serein et le sourire aux lèvres, je parviens à rentrer tout à fait dans Uncle Acid and The Deadbeats, ou plutôt c’est eux qui me rentrent très facilement dedans avec un stoner groovy en diable et un chant aigu très pop qui rend le tout plus sucré qu’acide. Imparable, brillant, très rond et savoureux, la foule bien que peu nombreuse ne s’y trompe pas et leur adresse toujours plus de vivas au fur et à mesure qu’il nous envoie du gros son parfait. Ce concert était tellement une bonne surprise qu’il m’a rendu celui de Fu Manchu, qui jouait un peu après sur la même scène, un peu trop gras en comparaison. Le groupe culte de stoner viril californien me roule aussi dessus avec ses gros riffs de camionneurs dans le désert, mais je pars quand même avant la fin pour la Warzone, où doit se produire sous peu Sum 41, histoire de varier les plaisirs. C’est un peu le problème du stoner poussif, c’est vite écœurant, sauf si on adore tâter ses énormes couilles en rotant, peut-être.
L’accès à la Warzone est très embouché, mais mes techniques maintes fois éprouvées de traversage de foule font mouche, et je parviens à me placer au cœur de l’action pour ce que j’attends comme un des meilleurs concerts du festival. On m’avait dit le plus grand bien du show des Canadiens, donc mes attentes étaient très élevées, et elles ont n’ont été qu’en partie satisfaites. Un élément de leur prestation en particulier me faisait systématiquement tiquer, c’est qu’ils demandent beaucoup trop souvent au public de chanter sur les morceaux ou de taper dans leurs mains. Taper dans ses mains toutes les deux secondes c’est chiant, on fait ce qu’on veut, merci, mais surtout, amis musiciens, arrêtez de demander aux français de chanter vos morceaux, ça ne fonctionne quasiment jamais et c’est décevant pour tout le monde. Bon, cette fois-ci c’est vrai que tout la foule entonnait en chœur Toxicity de System of a Down, qui résonnait sur la scène en attendant le groupe, mais ce qui fonctionne pour les tubes universels de SOAD ne marche pas forcément pour un groupe de punk rock juvénile comme Sum 41. L’avalanche de tubes a quand même eu lieu (In Too Deep, Still Waiting, Fat Lip), et je suis le seul autour de moi à chanter comme un foufou sur We’re All To Blame, peut-être pourtant leur seul tube vraiment universel car ressemblant fortement à Chop Suey de System of A Down. En fait ce concert m’a surtout donné envie de voir System of a Down.
Parfaitement sobre et très heureux de l’être enfin, je retourne à ma tente comme quelqu’un de bien sous tous rapports. Malheureusement j’ai oublié une des règles d’or du camping Hellfest : toujours être saoul si l’on veut réussir à s’endormir dans cette terre de débauche ! Apparemment il y a une autre technique qui consiste à se procurer des boules Quies, mais personnellement je pense que c’est un peu tricher. Quelle ironie du sort : après une journée à tenter de la retrouver, c’est au final ma sobriété qui me donne un coup de poignard dans le dos et je dois écouter mes voisins vendéens jouer avec un haut parleur pendant 1h avant de m’auto-assommer d’un coup sec derrière la nuque pour réussir à sommeiller un peu. Ciseler la puissance de son taux d’alcoolémie en fonction des périodes clés de la journée, c’est aussi ça le Hellfest !