Depuis ses années d’études aux Beaux-Arts, le photographe Charles Fréger s’intéresse aux habits et aux hommes et femmes qui les habitent. Après un travail de portraits en uniformes, il s’intéressera entre autres aux costumes traditionnels européens et aux figures masquées traditionnelles japonaises avant d’entamer sa série Cimarron. Cette fois, l’artiste parcourt les Caraïbes et l’Amérique du Sud à la recherche de l’essence même des mascarades, ou carnavals typiques inspirés par les histoires des anciens esclaves en fuite, réfugiés dans le monde colonial hispanique. Le titre même de la série exposée au Château des Ducs de Bretagne est tiré de l’appellation donnée aux esclaves en fuite de leurs maîtres, les « cimarrons » dits coupables de « marronnage ». Loin de la capture sur le vif, la série photographique use d’une mise en scène académique assumée autour des modèles costumés qui posent. Sculpturales et parfois théâtrales, les poses évoquent la révolte, et donnent à voir un sujet fort, détaché d’un décor lui-même riche en symboles. Occupant une salle entière pour l’exposition temporaire, Cimarron s’invite également dans la collection permanente du Château, avec six pièces faisant écho au lourd passé de la ville lié à la traite négrière. Si les œuvres réveillent une Histoire douloureuse, ces pièces n’en sont pas moins colorées, pop et envoûtantes, à l’image des mascarades pratiquées par les descendants d’esclaves africains en mémoire de ces derniers.
LOUISE PLESSIER
Château des Ducs de Bretagne (Nantes – 44) du 2/02 au 14/04 du mardi au dimanche