1. L’EMPIRE CONTRE-ATTAQUE
(Irvin Kershner – 1980)
L’Empire contre-attaque est un film à part dans la saga. Lucas et Kasdan eurent le bon gout de ne pas se vautrer dans la surenchère et le spectaculaire après le succès du premier opus en préférant un rythme plus lent propice à un épisode transitoire. Une photographie exceptionnelle et surtout l’occasion idéale de développer les personnages, préciser les enjeux et étoffer l’univers via notamment un rite initiatique et philosophique auprès d’un vieux maitre japonais, devenu légendaire. Pour le réalisateur Irvin Kershner, il ne s’agit là ni plus ni moins que d’un conte de fée classique. Pourtant, avec un twist final composé de cinq mots (“Luke, je suis ton père“), la petite féérie de George Lucas bascule dans la tragédie grecque actant du même coup la naissance d’un mythe moderne.
2. UN NOUVEL ESPOIR
(George Lucas – 1977)
En 1973, George Lucas rêve d’adapter Flash Gordon. Faute de droits, il se retrouve alors obligé d’écrire un scénario pour une histoire originale. Soit une histoire qui ressemble à du Flash Gordon, mais aussi à Dune, Tolkien, la légende arthurienne, Valérian et Laureline, les bouquins de Joseph Campbell, les films de Kurosawa, le western, les films de cape et d’épée, etc. En bref de ce pot-pourri, il parviendra à en tirer un univers remarquablement cohérent grâce à des décors, costumes, maquettes et effets spéciaux de très bonne facture qui ont traversé les âges. Même sans ces rééditions et liftings complètement dispensables, le premier Star Wars continue de faire rêver des millions de spectateurs à travers la galaxie.
3. LES DERNIERS JEDI
(Rian Johnson – 2017)
Ne voyez pas dans cette troisième place une posture racoleuse ou une absence flagrante de recul, cette sélection est tout à fait sincère et subjective. Vous pouvez brûler vos Grabuge en guise de protestation, mais n’oubliez pas que le temple Jedi et les textes sacrés ont brulés avant, que Mark Hamill a bu vos larmes de nerds écœurés comme du petit lait et que Rian Johnson danse sur le cadavre de l’amiral Ackbar qui n’a jamais été rien de plus qu’un meme internet. Cet épisode “clivant” (comme on dit sur BFM TV) est rongé par le désespoir, le pathétique et le dégagisme. Iconoclaste et maladroit, riche et boursouflé, mais sans doute aussi l’épisode le plus ambitieux esthétiquement depuis 1980, Les Derniers Jedi est un blockbuster malade dont on se souviendra longtemps.
4. LA REVANCHE DES SITH
(George Lucas – 2005)
Quintessence du cinéma tout numérique des années 2000, spectacle grandiose sur fond vert, la conclusion de la prélogie reste parfois un calvaire à regarder. Passé une séquence inaugurale dantesque, le spectateur doit subir d’interminables tunnels de dialogues filmés avec un je-m’en-foutisme devenu caractéristique du travail de Lucas sur cette prélogie. Dans le rôle-titre, Hayden Christensen est toujours aussi peu crédible tout comme les circonstances de son basculement. Cependant avec son côté irrémédiable et le cachet crépusculaire du dernier tiers, Lucas renoue brillamment avec la dimension tragique de sa franchise.
5. LE RETOUR DU JEDI
(Richard Marquand – 1983)
Gêné par le trop grand succès obtenu par le réalisateur Irvin Kershner (son professeur d’université) sur L’Empire contre-attaque, Lucas reprend le contrôle de sa création en plaçant Richard Marquand, un homme de paille, à la réalisation. Les enjeux posés précédemment sont rapidement résolus chez Jabba par un Mark Hamill au final plus convaincant en fermier-disciple ou en vieux maitre torturé, mais pas du tout en moine Jedi tout-puissant. Du reste, le film emprunte des rails plus classiques et prévisibles, renvoyant à la chanson de geste du premier opus. Enfin, que penser des Ewoks, zadistes de leur temps qui triomphèrent d’un Empire grâce à la ruse et à leur technologie médiévale. Pourtant derrière cette chute un autre Empire se met en place, plus pernicieux et cynique, celui du merchandising.
6. LA MENACE FANTÔME
(George Lucas – 1999)
En 99, Lucas propose à ses fans de fêter la fin du millénaire avec le retour de sa saga, de nous raconter les origines de ses figures emblématiques et surtout celle de Vador devenu le personnage le plus populaire de la franchise. Le casting est savoureux : Liam Neelson se contente simplement d’être là, mais son padawan écossais, Ewan McGregor, lui sauve la prélogie de par sa présence tout comme Nathalie Portman qui rejoue les princesses guerrières admirablement. Passons sur la direction des acteurs (notamment des enfants), les facéties de celui-dont-on-taira-le-nom pour retenir la formidable course de pods et les duels-ballets au sabre laser, l’autre très bonne idée de cette prélogie.
7. ROGUE ONE
(Gareth Edwards – 2016)
Avec le rachat de la franchise par Disney et l’annonce d’une nouvelle trilogie, Lucasfilms se lance dans un véritable univers étendu et la production de spin-off, c’est-à-dire d’épisodes centrés sur des personnages ou évènements secondaires. Malgré un production apocalyptique – le réalisateur Gareth Edwards se voit débarquer après une projection test devant les producteurs et c’est officieusement que Tony Gilroy retourne plus de 40% du film – Rogue One constitue un long-métrage très correct à partir de trois lignes du générique du tout premier film de 1977. Si la phase d’exposition des différents personnages, d’un casting pourtant chouette, est laborieuse, l’apothéose guerrière finale est une franche réussite. En plus d’avoir su retranscrire l’esthétique de l’ancienne trilogie, Gareth Edwards pose habilement les enjeux et confère, de nouveau, un souffle tragique à ses personnages condamnés par avance. Mention spéciale à un Forest Whitaker en roue libre.
8. LE RÉVEIL DE LA FORCE
(J.J. Abrams – 2015)
Outre le plaisir enfantin de retrouver cette madeleine de Proust qu’est Star Wars, le sentiment d’escroquerie avec cet épisode paraît légitime. Si le résultat est évident tant les films de J.J. Abrams se ressemblent tous et quand bien même les erreurs de la prélogie n’ont pas reproduites, le décalque de l’ancienne trilogie est par contre assez embarrassant. Si l’on appréciera les retrouvailles bien orchestrées avec le trio originel, les nouveaux arrivants ont peu d’intérêt finalement, simples succédanés des anciens, à l’exception notable d’Adam Driver qui survole tout le monde en Lorenzaccio de l’espace. L’entreprise de destruction mis en place par Rian Johnson pour la suite rend au final cet épisode d’autant plus dérisoire.
9. L’ATTAQUE DES CLONES
(George Lucas – 2002)
L’un des premiers films entièrement tournés en numérique (après Vidocq !), cet épisode de transition n’a que très peu d’intérêt. Les intrigues politiques sont poussives et la romance entre Anakin et Padmé mièvre au possible. Hayden Christensen s’en sort mieux en VF, Christopher Lee est mal exploité et Yoda se bat au sabre en sautant partout. L’apparition de Boba Fett illustre quant à elle les dérives du fanservice tant ce personnage n’avait été rendu important que grâce aux fans. Quelques fulgurances dans l’arène et la bataille qui suit sauvent le film de l’ennui. Un film qui aura probablement davantage servi de vitrine technologique pour ILM, la boite d’effets spéciaux de Lucas, aux débuts des années 2000 afin d’asseoir sa domination sur la concurrence.
10. L’ASCENSION DE SKYWALKER
(J.J. Abrams – 2019)
Après un énième remerciement de réalisateur, c’est l’homme providentiel J.J Abrams qui est appelé à la rescousse pour conclure la postlogie. Une tâche devenue presque ingrate, après un 8ème épisode qui avait provoqué le courroux des fans intégristes de la saga. Ainsi Disney a voulu acheter la paix sociale pour ce dernier volet en misant sur le fan service. Exit donc la dynamique et le discours tenu par les précédents opus, car pressé par le temps, J.J doit conclure et ressuscite pour l’occasion l’empereur Palpatine. L’antagoniste clé des anciennes trilogies n’étant évidemment pas prévu au programme en 2015. Passons sur le scénario qui semble avoir été conçu par des ados attardés car c’est au final dans son exécution que cet ultime chapitre est désespérant. Avec son montage cocaïné, où les plans durent en moyenne trois à cinq secondes, L’Ascension de Skywalker est une succession de vignettes aux dialogues creux et aux scènes d’action oubliables. Dépourvu de dramaturgie, d’émotion ou d’épaisseur, Star Wars devient ici un mauvais pulp, un pur produit de consommation.
11. SOLO
(Ron Howard – 2018)
Après Rogue One, Disney poursuit la sérialisation de la saga et revient sur les dispensables origines de Han Solo. Chapeauté au début du projet par le duo Lord et Miller (21 Jump Street, Lego) jusqu’à ce que d’inévitables différends artistiques poussent la production à limoger le duo, Solo est alors repris par un vieux faiseur hollywoodien, Ron Howard. Yes man parmi les yes man, Howard délivre un produit standardisé, tel que le souhaitait, au fond, la firme aux grandes oreilles. Difficile d’apprécier ici un film aussi impersonnel et désincarné. Parmi la distribution, seul Donald Glover, qui prête ses traits au jeune Lando, sort du lot, a contrario de l’insipide Alden Ehrenreich. Idem du côte esthétique oscillant sans trancher entre la noirceur de Rogue One et le western, pour aboutir sur une terne photographie qui rend le tout illisible et laid. En bref, le seul point positif ici c’est que son échec commercial semble avoir refroidi les ardeurs de Disney en terme de spin-off. Pour le moment.