Depuis 2006, sous les traits de Daniel Craig, l’agent secret le plus célèbre du monde s’est fait émasculer par Mads Mikkelsen, a trouvé l’amour et l’a perdu dans Casino Royale, puis s’est vengé dans Quantum of Solace (2008), a sombré dans la dépression avant de se faire draguer par Javier Bardem dans Skyfall (2012), a triomphé de son alter égo maléfique, Christoph Waltz, dans SPECTRE (2015) et il reviendra finalement cette année pour se voir subtiliser son mythique matricule 007 au profit de l’actrice britannique Lashana Lynch (crime de lèse-majesté pour certains, simple détail pour d’autres). Sacrée promenade !
En quinze années, la franchise a su redessiner les contours d’un personnage né en 1953 sous la plume de Ian Fleming. Ces mêmes contours, le cinéma les façonnera en 1962, avec James Bond contre Dr NO, le légendaire Sean Connery assurant le rôle-titre. Et là, force est de constater qu’un long chemin a été parcouru. Au personnage complexe de Craig, Connery oppose une version narcissique, ouvertement machiste, et dont le conservatisme condescendant flirte souvent avec le racisme. Un portrait qui tient aujourd’hui d’avantage de l’antagoniste que du héros.
James Bond a donc tant changé ? Pas tant en réalité. Il est toujours indestructible, les femmes succombent toujours à son charme, les cadavres s’empilent, les paysages grandioses se succèdent, les méchants dévoilent (longuement) leur plan et le flegme britannique triomphe à la fin. La recette est restée inchangée, mais pas les attentes du public. En 60 ans d’existence et 25 films « canons », la saga se savoure comme on contemple un vieil instantané jauni, chaque opus en dit plus sur son époque que son sujet lui-même. Les valeurs surannées qui piquent le spectateur actuel semblaient tout à fait banales pour nos grands-parents.
On le sait, Daniel Craig est depuis longtemps lassé du personnage qui l’a rendu célèbre, et cette aventure sera à n’en pas douter sa dernière dans le fameux smoking. On saluera l’aspect profondément humain, complexe et vulnérable qu’il aura su insuffler à un personnage qui en manquait cruellement. La « relique de la Guerre Froide […] sexiste, machiste et dinosaure » évoquée malicieusement par l’actrice Judi Dench dans Golden Eye (1995) est finalement devenue un être humain sensible, un homme qu’on a envie de voir heureux. Il était temps !
AXEL KRIEF
sortie le mercredi 06 octobre
En ouverture du Festival ASNIFF au Katorza (Nantes – 44) du 5 au 10 octobre.
6,5 à 7,1 euros
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