Vous l’avez sûrement rencontré sur scène en tant que bassiste virevoltant chez Rhum For Pauline, Pégase ou Elephanz, mais c’est dorénavant en tant que Voyou et seul sur scène que Thibaud Vanhooland officie. Le Nantais devenu Parisien pourrait bien devenir une figure de proue (un premier de cordée, comme dirait l’autre ? ) de la pop francophone.
Comment passe-t-on de trompettiste à bassiste puis chanteur pop en solo ?
Mon père était trompettiste ! Puis à l’adolescence, j’ai complètement délaissé cet instrument, peut-être pour m’éloigner de la figure paternelle (rires). J’ai commencé la guitare, puis j’ai intégré un groupe à la basse (sans savoir en jouer…) car c’est souvent l’instrument qu’il manque quand on monte un groupe. Tout le monde veut être guitariste… J’aimais ce poste « en retrait », personne n’ennuie le bassiste et on n’entend pas quand il fait une fausse note (rires).
Tu as ensuite joué avec Pégase, Elephanz et surtout 10 ans avec Rhum For Pauline. Quel à été le déclic pour chanter et te lancer en solo ?
L’album d’Elephanz traînait, Rhum For Pauline s’était séparé et… j’avais besoin de bosser. Passer du de temps à observer les autres chanteurs gérer le public ou les interview m’a tellement appris que je me sentais prêt. Je traînais une quantité astronomique de démos, mais c’est en composant le morceau Les Soirées que j’ai su que je tenais un truc qui me plaisait. J’envoie ça au label Fvtvr (Pegase, Minitel Rose…) qui me pousse au cul et nous produisons un clip. Là, je décide de partir au Canada et juste avant le départ, le programmateur de Stereolux m’appelle pour me dire le morceau est super et que je joue au festival Scopitone dans trois mois !
Alors que tu n’as qu’une seule chanson ?
Oui… Je rentre une semaine avant l’événement, on cale un concert échauffement à La Péniche de Lille (où je suis né) et le label À Gauche de la Lune me propose un contrat à la fin du set. À Scopitone, je joue avec le groupe Bagarre qui tombe amoureux de Voyou et qui appelle tous les gens du milieu. En un rien de temps, mon disque est sur le bureau de toutes les majors de la musique.
Y a t-il donc une part de chance dans la réussite ?
Bien sûr, surtout en terme de rencontres. Ces dernières inspirent toujours ma musique. La vraie chance que j’ai eue, c’est d’intégrer Rhum For Pauline il y a 10 ans, c’est ce qui m’a tout appris et fait connaître beaucoup de gens. J’ai aussi toujours tout donné à la musique, je n’ai jamais voulu prendre un travail à coté. Même quand je ne gagnais pas d’argent avec la musique, je considérais que c’était quand même mon métier.
Comment fait-on pour vivre sans argent ?
On emprunte des thunes et on vole à Carrefour (rires).
Et comment aborde-t-on la scène en tant que chanteur après avoir longtemps été en retrait ?
Je ne suis pas à l’aise avec le côté ego trip du chanteur. J’essaye juste de me dire que c’est mon métier, tout en étant ma passion. Je ne fais pas ça pour être abordé dans la rue par des gens que ne s’intéressaient pas à moi sans Voyou.
Mais sur scène, c’est à toi de capter les gens…
Quand je jouais de la basse, je pouvais faire ce que je voulais. J’ai testé plein de choses, des danses car personne ne regarde le bassiste (rires). Et aujourd’hui, j’ai toujours l’impression que personne ne me regarde ! Quand j’ai un souci technique, je mets le public dans le même pétrin que moi, j’en blague. Là, tu redeviens humain, tu es juste un mec qui fait le mariole sur scène.
Quand on travaille seul sur une chanson, n’est-on pas tenté de la retravailler encore et encore ?
C’est mon problème, je peux arriver à 75 versions d’un même morceau. Ma solution est parfois d’aller le tester en live pour voir si ça marche ou si je prends du plaisir à le jouer. Si c’est le cas je ne touche à rien. Seul, la composition est plus rapide mais tu vas parfois moins loin. Faire de la musique en groupe bouleverse les systématismes dans lesquels tu peux t’enfermer en étant seul à bord. C’est d’ailleurs pour ça que je bosse pour d’autres artistes. Yelle, récemment.
Ta musique et tes paroles ressemblent-elles à celui que tu es au quotidien ?
Je sais que lorsque je fais de la musique, je vais devoir l’incarner sur scène pendant des mois. J’ai souvenir d’une discussion avec le groupe Grand Blanc dont la musique sombre et désespérée avait fini par les contaminer après leur tournée. J’essaye de me protéger d e ça et d’écrire des choses qui auront tendance àme rendre plus heureux que je ne le suis déjà. Je m’inspire de toutes les conversations que j’ai avec les gens, je ne pense pas que ma vie intime puisse suffire à intéresser la terre entière. J’essaye souvent d’aborder le point de vue de l’enfant, celui de la candeur.
Ce point de vue de l’enfant peut-il te permettre de dire des choses que tu ne pourrais dire dans la vie quotidienne ?
On n’en veut jamais à un enfant. Il se fiche que tu sois noir, blanc ou voilé, il observe sans jugement ni à priori, mais aussi sans avoir peur d’utiliser les mots. Il ne va pas chercher des problèmes là où il n’y en a pas.
Penses-tu rentrer dans la catégorie « chanson française » ?
Disons que je suis irrité par la chanson française qui se veut plus intelligente qu’elle ne l’est. Je n’aime pas les textes incompréhensibles juste pour faire « bon genre ». J’aime juste raconter des histoires, je m’amuse avec le français et ses contraintes. C’est la que le rap a réussi ce que la chanson a parfois raté. On oublie souvent que les mots sont des mélodies.
On voit aujourd’hui une nouvelle génération d’artistes avec des textes très simples, presque inspirés de la variété des années 70/80, comment l’expliques-tu ?
Ma génération a été gavée de variété par ses parents. J’ai rangé ça dans un tiroir à l’adolescence puis, avec le temps, on finit toujours pas se rendre compte que nos parents n’étaient pas si bêtes (rires). J’aime aussi la permissivité de ces années-là, ces chansons hors-format que pouvaient produire Brigitte Fontaine. C’est impossible à copier et invendable aujourd’hui, même si j’ai l’impression qu’il va y avoir un nouvel élan. Mais il faudra toujours des morceaux « chausse-pieds » au format plus radiophonique, tout le monde est aujourd’hui confronté à ça. Je prends d’ailleurs beaucoup de plaisir sur ce genre de chanson.
Comment définirais-tu la chanson de pop parfaite ?
Je pense à Starman de David Bowie, une chanson accessible à tous tout en reversant les codes. C’est ce que j’essaye péniblement de faire (rires).
Pour finir, que fais-tu lorsque quelqu’un passe une chanson à toi en soirée ?
Je coupe le morceau ! Je n’y arrive pas… Tu oublies aussi les réunions de famille et « tiens, une guitare… Tu vas bien nous chanter quelque chose ? » (rires).
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.