« Ce qu’il faut de malheur, pour la moindre chanson » ! Depuis plus de dix ans, Vincent Desgré court les dancefloors avec ses vinyles de musiques françaises, francophones et curieuses, des années 60 et 90 « pourvu que le refrain soit en français ou que le producteur ait une tante née à Chambéry ». Chineur et passeur de vinyles via l’émission et les soirées Boum Bomo, Vincent, aka Aimé Jockey, nous raconte son difficile apprentissage du DJing : du sang, de la sueur et des larmes, pour quelques heures de félicité dans la danse et le plaisir !
Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir DJ ?
J’ai toujours aimé la musique, bien qu’il n’y ait pas de DJ ou de musicien dans mon entourage. Ma première passion a été le hip-hop français, et un jour j’ai découvert les Funky Saturday de DJ Pharoah. J’étais vraiment bouche bée de voir ce DJ manipuler des vinyles et passer tous ces styles chaleureux : funk, disco, musiques latines… J’ai acheté ma première platine fin 2007. Je n’y connaissais rien : je ne savais même pas qu’il fallait un ampli pour faire marcher des enceintes !
Vraiment ?
Pour l’anecdote, Sébastien d’AKA Records gérait alors une boutique rue Saint-Léonard et vendait aussi un peu de Hi-Fi. Il m’a proposé un kit complet platine/ampli/enceintes pour 250 euros. Seulement, quand il a voulu les brancher, ça n’a pas fonctionné. Ça l’a agacé, il m’a dit : « je te le vends pour dix euros et tu te débrouilles pour le réparer ». Arrivé chez moi, j’ai pris le temps de regarder : il fallait juste fixer le contrepoids du bras ! J’ai galéré à tout brancher, et à 18h50, j’avais fini mon installation, mais je n’avais aucun vinyle ! Ne voulant pas retourner en acheter chez Sébastien, de peur d’éveiller ses soupçons (rires), je suis allé chez un autre disquaire, deux minutes avant la fermeture, et j’ai chopé un vinyle des Whispers (groupe de funk des années 70, auteur de And the beat goes on, NDLR) dans un bac à trois balles.
Quelles ont été les difficultés dans ta formation de DJ ?
La première a été la technique : comment enchaîner deux disques proprement, les caler au tempo… Le fait de mixer sur vinyle ne m’a évidemment pas aidé car une platine numérique fait – en partie – le job a ta place. Ça m’a demandé beaucoup de travail chez moi, tout seul, tous les jours. Au début, je réussissais une transition sur dix, puis deux, puis trois… et aujourd’hui je n’en rate qu’une sur dix !
Une autre difficulté ?
Supporter le regard des autres, ce que je n’avais pas tout anticipé ! C’était une torture : une personne qui ne dansait pas, ça signifiait que j’étais mauvais. Comme pour la technique, j’ai mis dix ans à me débarrasser de ce vieux démon.
Qu’est-ce qu’un bon mix ?
Un seul critère : si les gens dansent, le mix est réussi ! Dans un mariage, on va passer plein de tubes. Dans un bar, on peut varier les styles, les rythmes, les ambiances. Le club est plus codifié : on va construire un mix linéaire avec un tempo qui monte progressivement. Dans tous les cas, le plus important est de ressentir l’énergie du public. Au final, c’est lui qui choisit les disques. L’énergie est imperceptible, pourtant il faut la capter et au minimum la préserver, au mieux la décupler. Être un bon DJ, ce n’est pas passer que des bons morceaux, c’est passer le bon morceau au bon moment. Mais je me garderai bien de donner des leçons. Mixer, c’est comme tirer un penalty : avec l’expérience, on améliore sa technique, on résiste mieux à la pression, mais on n’est jamais sûr de mettre la balle au fond.
Un DJ est-il un musicien ?
Je ne suis pas musicien, mais j’imagine que ça y ressemble beaucoup. C’est un débat vieux comme le DJing, tu me pièges un peu (rires). Repose-moi la question dans 10 ans !
Interview réalisée par TIM BLIT
Soirée Boum Bomo, vendredi 03 février au Rond-Point Café (Nantes – 44) à partir 22:00, prix libre
Boum Bomo, l’émission, un mercredi soir par mois sur Prun’