Fort d’un tout nouveau et remarquable album, les Psychotic Monks confirment leur parfaite maîtrise du chaos musical. Entre Nick Cave, Black Rebel Motorcycle Club et les films de Wim Wenders, le jeune quatuor tire son épingle du jeu dans une scène « rock psychédélique » saturée. Interview d’Arthur, guitariste et co-chanteur de la formation parisienne.
Chez les disquaires, on vous range dans la catégorie « rock psychédélique ». Que représentent ces deux mots en 2019 ?
Le rock est évidemment une esthétique musicale, mais aussi un sentiment de révolte. Pour moi, c’est se débattre avec soi-même et sa condition pour enfin exister. Quant au psychédélisme, il représente une forme de transe, c’est à dire une fuite de l’intellect, un lâcher-prise, une expérience plus sensorielle que cognitive. Cet état est de plus en plus rare à l’époque des réseaux sociaux et des smartphones. Aujourd’hui, on n’a plus le temps d’être simplement dans le présent. Prendre son temps, écouter un disque exigeant du début à la fin, bref vivre l’instant, est presque devenu un risque, voire un acte de révolte.
Être un musicien professionnel et proposer des morceaux d’au moins 5 minutes l’est-il ?
On a du mal avec l’appellation « musicien professionnel » ! Bien sûr, nous assumons les responsabilités qui vont avec la musique, mais je ne considère pas ça comme un travail. Notre organisation est encore chaotique, même si l’on trouve des subterfuges. On entend autour de nous « être professionnel implique ci ou ça, et c’est normal ». Et bien non ! Pour nous, ce n’est pas normal ! Quand on nous dit « vous êtes fous de faire un album aussi long, les gens ne l’écouteront pas » ça nous pousse à pousser le bouchon encore plus loin. À quoi ça sert d’amener le public dans un lieu qu’il connaît déjà par cœur ?
Justement, votre musique a besoin d’être jouée dans une salle et dans le noir, comment ça se passe en festival ?
Parfois, on perd une partie du public, mais ceux qui restent se sont vraiment laissés emporter, c’est ce qui compte pour nous. Certains nous font comprendre qu’ils ont besoin d’entendre cette musique en festival. On se raccroche à ça !
Quel est l’enjeu du rock en 2019 ?
Deux guitares, une basse et une batterie, tout a été fait ! Parfois, on se sent comme des ploucs (rires) à ne pas utiliser toute cette technologie qui s’offre à nous. Mais en concert, dès qu’une batterie arrive, il se passe quelque chose de différent qu’on ne retrouve pas avec des beats programmés. Les vrais instruments, l’adrénaline et le risque de se planter, tout cela produit une immédiateté inédite dans l’électro ou le hip-hop, même si ce sont des styles que l’on apprécie personnellement.
En parlant de votre parcours personnel, qu’est-ce qui vous a amené à la musique ?
Nous étions tous en échec scolaire… Plutôt que de ne rien faire, nous nous sommes mis à plein temps sur notre musique. Je pense que l’on a été conditionnés par notre environnement familial et sociologique. La plupart de nos parents gravitent autour de la musique. S’ils nous avaient mis la pression pour « trouver un vrai travail », nous n’aurions peut-être pas eu le courage d’aller jusqu’au bout de cette démarche. Nous sommes privilégiés. Je pense que notre environnement nous met sur une voie, que finalement nous avons peu de prise sur le chemin que l’on emprunte.
La seule finalité de faire de la musique était celle de ne pas « rien faire » ?
C’est notre première tournée qui a vraiment donné du sens à tout cela. Elle nous a ouvert des portes psychologiques, tout en nous traumatisant. Ce n’est pas naturel de se mettre à nu devant des gens, mais un dialogue intense se noue avec le public, peut-être bien plus profond qu’une conversation à deux. En revenant chez nous, c’était comme si nous sortions de 10 jours de séances de psy… On ne comprenait pas ce qui c’était passé ! Aujourd’hui, dès que nous arrêtons de faire de la musique, nous rentrons dans une forme d’angoisse et d’inertie. À la maison, tu n’as qu’une envie, repartir en tournée. Et en tournée, tu ne penses qu’à rentrer chez toi pour retrouver un peu de contrôle et de sécurité. C’est paradoxal, je l’avoue.
J’ai lu que vous vous nourrissiez du cinéma pour composer. Est-ce essentiel de ne pas s’inspirer seulement de la musique ?
Bien sûr, tout est bon pour faire jaillir une idée. En répétition, on parle parfois d’un passage « David Cronenberg » (réalisateur de La Mouche, Videodrome…) ou d’une partie « David Lynch » (Twin Peaks, Mulholland Drive…). Souvent, nous partons aussi d’une situation que l’on a vécue. Nous composons la bande originale de nos sensations.
Vous avez aussi un bagage plus technique, vous avez étudié au conservatoire de musique…
Nous étions des cancres (rires). Le plaisir est revenu lorsque l’on a justement quitté le conservatoire et que nous avons repris la composition en autodidacte. Il a fallu déconstruire les normes et les vérités musicales que l’on nous avait inculquées. Cela nous a au moins appris ce que nous ne voulions pas faire.
Dans une interview, tu déclarais que pour trouver son style, « il faut se faire violence ». De quelle violence parles-tu ?
Pour expérimenter, il faut se plonger en soi. Tu risques alors de découvrir des choses que tu ne veux pas découvrir. Tout aujourd’hui nous pousse à rester en surface et à garder le contrôle. Se remettre en question est effrayant. D’ailleurs, deux d’entre nous sont assez mal à l’aise en société. Avec le groupe, on a créé un espace où l’on peut se mettre à poil.
Je crois qu’il y a déjà des établissements pour ça (rires).
En répète, il est déjà arrivé que l’un d’entre nous pète un câble et termine une chanson complètement nu !
Question rituelle : comment réagis-tu quand un ami passe une chanson de ton groupe en soirée ?
Je fuis ! Même si l’intention est louable, c’est insupportable de s’écouter… Et puis, notre musique n’est pas idéale lorsque la fête bat son plein. Alors je dis à tout le monde « désolé de ce qu’il va se passer » (rires).
En concert le 9/05 à La Barakason (Rezé – 44) avec Le Villejuif Underground et T/O