Avec Black Cherry Cirkus, Des Roses et même Pégase le temps d’un album et d’une tournée, Ana Benabdelkarim a écumé les scènes nantaises avant sa transformation (réussie) en Silly Boy Blue inaugurée par un EP en 2018. Aujourd’hui parisienne, la chanteuse-compositrice vient de sortir Hi, It’s me again, un single pop aussi intime qu’enjôleur, parfait avant-goût d’un album à venir au printemps prochain.
Rêvais-tu d’être musicienne ?
J’ai commencé la musique très jeune, mais j’ai toujours privilégié mes études, puis ensuite mon travail. Je me suis toujours dit qu’il serait génial d’en vivre, mais je ne m’autorisais pas forcément cette possibilité. Avant ta majorité, tu faisais déjà des concerts le week-end avec tes premiers groupes.
Te sentais-tu en décalage avec les gens de ton âge qui occupaient leur temps libre différemment ?
J’ai loupé de nombreux anniversaires et fêtes. De plus, les membres de mes premiers groupes étaient souvent plus âgés que moi, ils avaient des ambitions et des attentes différentes de celle d’une bande de potes du même âge qui a juste envie de jouer et faire la fête. C’était parfois compliqué, mais je ne me posais pas la question, c’est là que je voulais être. Avec ma famille, le deal était clair : si j’assurais mes études, j’étais libre de faire de la musique comme je l’entendais.
Qu’as-tu appris de l’expérience « en groupe » ?
J’ai déjà appris à jouer (rires), à faire des concerts dans de grandes salles comme de toute petites, mais surtout une certaine rigueur.
Quel a été le déclic pour te lancer seule ?
Lorsque la tournée avec le groupe Pégase s’est terminée, j’ai fait plein de maquettes pour mon plaisir. J’en ai posté une sur internet pour les copains, mais il s’avère que l’un d’entre eux l’a envoyée à un label qui a adoré. C’était parti.
Tes chansons reflètent beaucoup ta vie personnelle, pourquoi avoir choisi un pseudonyme ?
Si le personnage de Silly Boy Blue me ressemble en tout point, j’ai besoin de prendre de la distance pour avoir le courage de monter sur scène et exprimer ces choses. C’est une appellation qui n’est pas inscrite sur ma boîte aux lettres, je peux l’enlever au besoin lorsque je rentre chez moi.
Quand on travaille seule sur une chanson, n’est-on pas tentée de la retravailler encore et encore ?
Je compose rapidement et sans tergiverser car je suis impatiente d’entendre le résultat. Mes chansons parlent de ruptures et d’histoires de vie, quand je les écoute, je sais ou non si j’ai tout dit. En cas de doute, j’ai toujours l’aide d’amis et de producteurs qui m’accompagnent.
Quelle est l’ambition de l’album à venir ?
Il y a de la pop, de la folk, mais aussi des choses plus énervées et électroniques, ça part dans tous les sens ! Durant un moment, j’ai presque douté de cet éclectisme. Mes influences vont de Lady Gaga au rock indépendant en passant par Mansfield.TYA (comme toute bonne nantaise), ne proposer qu’un seul style aurait été malhonnête. J’aime les choses qui semblent accessibles, mais remplies de bizarreries et de tiroirs à ouvrir. J’ai beaucoup baigné dans la culture « indie », j’ai plus traîné dans la salle « Micro » de Stereolux que dans la « Maxi ». Avec mes producteurs, on a cherché à faire un bon disque, pas une machine à hits pour obtenir une Victoire de la Musique.
La sortie de ce disque est-elle repoussée indéfiniment avec la crise sanitaire ?
Non, il sort au début du printemps prochain. Si l’on commence à ne pas sortir d’album pour des raisons purement marketing, qu’est-ce que l’on donne aux gens qui ont besoin de nouvelle musique ?
Composes-tu pour toi ou pour les auditeurs ?
Je pense que la composition doit d’abord passer par un besoin personnel de l’artiste, c’est comme cela qu’une chanson peut parler à l’auditeur. Sans les chansons écrites par mes artistes préférés, je ne sais pas comment j’aurais pu passer mon adolescence. J’aimais savoir que je n’étais pas seule à avoir des doutes. C’est pour cela que j’essaye de ne pas être spécifique dans mes textes, de ne pas chanter « on s’est rencontrés là, tu m’as quittée ici », car ça n’intéresse personne. Et puis, cela pourrait passer pour une vengeance personnelle.
Avant de faire de ton art un métier, tu as été journaliste et chroniqueuse musicale, n’est-ce pas compliqué de passer de l’autre côté de la barrière ?
Lorsque j’ai écrit des chroniques de disques négatives, c’était sincère et j’étais légitime pour le faire car c’était mon travail. Je sais donc qu’il faut accepter la critique, que cela fait partie du jeu et que cela n’a jamais détruit une carrière pour autant. De plus, interviewer des artistes a répondu à plein de questions que je me pose en tant que musicienne. Aujourd’hui, je ne suis plus qu’artiste car c’est effectivement compliqué d’avoir les deux casquettes. Cela fait d’ailleurs partie des raisons qui m’ont poussée à dissocier ma signature de mon nom de scène.
Es-tu aujourd’hui hermétique à la critique ?
Je n’ai pas de problème avec le fait qu’on puisse ne pas aimer ce que je fais. Certaines critiques me font même avancer, sauf quand elles sont violentes et gratuites, notamment sur le physique. C’est toujours vexant, mais j’appartiens à la génération Instagram, je suis un peu rodée (rires).
Question rituelle, comment réagis-tu lorsqu’on passe une de tes chansons lors d’une soirée ?
C’est horrible ! Pourtant, mes amis le savent ! Mes chansons sont un journal intime, les entendre dans ce genre de conditions me ramène directement au contexte dans lequel elles ont été écrites. D’un coup, j’ai l’impression d’être toute nue devant tout le monde. Un vrai cauchemar d’adolescent (rires).
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud
En concert au festival Les Femmes s’en Mêlent à Stereolux (Nantes – 44), le 3 novembre avec Maud Geffray & Laure Brisa, 13 euros (ANNULÉ). Plus d’infos.
Lire d’autres interviews de Grabuge.
Voir notre agenda des concerts à venir.