Après une longue absence, le rappeur parisien revenait en 2017 avec Flip, un disque où Antoine Valentinelli s’autorise des expérimentations sonores, drague l’électro pop et se livre sans fard ni égotrip. En présentant ses faiblesses, l’artiste vise paradoxalement beaucoup plus haut.
Tu te destinais au skateboard professionnel, comment as-tu fini dans le rap ?
Oui, je voulais être skateur ou cinéaste. Le rap, c’était juste pour rigoler. Ma réponse va être un peu « à l’américaine » m ais je crois qu’il ne faut pas se mettrede barrière, tâter le terrain, tout le monde peut trouver un domaine dans lequel il est très bon. C’était le cas avec le rap.
Tu as attendu six ans avant de sortir ton premier album. Contrairement à la production continue que l’on demande aux artistes, le temps est-il important pour la création ?
Pas forcément. Certaines chansons arrivent rapidement, d’autres mettent des mois à naître, parfois pour rien. J’ai juste pris le temps de trouver ma voie et surtout ma voix. Il a fallu que je m’éloigne du rap durant un an et demi, me nourrir d’autres choses.
Mettras-tu autant de temps à faire le prochain après avoir été « disque d’or » avec ce premier album ?
Je reviens de trois semaines à Rome avec des musiciens et des producteurs. D’ailleurs, j’ai perdu tous mes textes à l’aéroport car mon ordinateur y a disparu… Je vais me laisser un an, je crois. J’ai la chance d’avoir un public qui m’attend car je produis peu, je ne suis pas en train de faire des freestyles tous les deux jours, je me fais rare.
Comment vis-tu les critique face à ce succès soudain ?
Je m’en fiche un peu, sauf quand c’est constructif. J’en ai pris dès le début, même quand mon public était restreint, mais les gens autour de moi sont bienveillants et me disent que ce succès est mérité. Ils savent que j’ai galéré, que j’ai investi beaucoup de temps et d’argent, parfois pour rien.
La pochette de ton disque est sensuelle et féminine, on est effectivement loin des clichés du rap…
Je voulais quelque chose de tragique, comme l’est le disque. C’est aussi un clin d’œil à The Cure ou Gainsbourg et à mes influences indie rock comme Mac Demarco ou The Strokes. Mes potes connaissent mieux le rap que moi, mais j’ai écouté beaucoup d’autres musiques à travers les vidéos de skate. J’ai mis cela en sommeil quand je me suis mis à écouter du rap pour plaire à cette communauté. Aujourd’hui, plus personne ne fait du rap, le rap n’est plus qu’un outil. RAP c’est « Rhythm and Poetry », tu rajoutes des harmonies, ça devient une vraie chanson. C’est ce que j’essaye de faire, même si j’ai tout à apprendre car je n’ai aucune notion de solfège. J’aime la pop et les choses simples que tout le monde peut chanter.
Tes textes sont très crus et intimes, quelle est la part de fiction et de réalité ?
J’ai dès le début pris l’habitude de me livrer. Les gens s’y retrouvent, donc j’ai pris confiance en moi. Je n’ai pas de problème avec la honte dans mavie de tous les jours, je suis transparent. Et parfois j’exagère aussi, il y a toujours une part d’autofiction, même dans le quotidien.
N’écris-tu que pour toi ?
Non, j’ai besoin d’être écouté. Comme lorsque tu montres ton film préféré à quelqu’un que tu aimes, tu prends du plaisir à le voir à travers ses yeux. Je vis aussi à travers le regard des autres.
Comme la pop d’aujourd’hui, tu n’abordes d’ailleurs pas frontalement de thèmes sociologiques ou politiques.
Je ne crois pas que tu puisses aborder un sujet important avec une musique accrocheuse, tu vas perdre l’un ou l’autre. Je ne suis pas assez calé en politique et je préfère faire passer des émotions. Quand j’aborde ce genre de thème, c’est à la fois naïf et sous couvert d’autodérision. Si un jour j’écris « le capitalisme est horrible » je dirai après que je suis le premier à en profiter quand ça m’arrange (rires).
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.