24 ans d’autoproduction, 11 albums studio, six disques live et des concerts à n’en plus finir, Les Ogres de Barback et sa fratrie (quatre frères et sœurs) sont le groupe français de tous les records. L’Highlander de la chanson francophone représenté ici par Mathilde Burguière nous raconte le secret de longévité de cette formation pas comme les autres.
En 1994, vous financiez votre 1er album avec les souscriptions de fans (bien avant Ulule), en 1998 vous créiez votre propre salle de spectacle avec votre chapiteau mobile, en 2000 vous montiez votre label, vous avez toujours eu un temps d’avance, en fait…
On a rapidement été dans l’idée de tout maîtriser, de vendre directement aux consommateurs sans intermédiaire, comme un artisan boulanger, sauf qu’on vend des chansons (rires). Nous voulions être libres et ne pas obéir à une maison de disque. Quand on a voulu sortir notre troisième disque, cette dernière nous disait qu’un double album serait invendable, que les chansons étaient trop longues etc. On a préféré faire ce que l’on voulait, quitte à se planter…
Avez-vous été touchés par l’arrivée massive du téléchargement illégal et maintenant du streaming ?
C’est arrivé tard pour nous. Contrairement aux maisons de disques, on a vite compris qu’il fallait produire un bel objet avec une pochette cartonnée, des beaux visuels, pas juste une pochette pourrie en plastique avec nos têtes dessus. Comme tout le monde, on vend aujourd’hui moins d’albums, mais on a toujours nos 20 000 fidèles qui ne lâchent pas le truc.
Est-ce que le secret de la longévité d’un artiste est d’apprendre à s’écouter soi-même ?
Il faut parfois entendre les conseils, mais toujours suivre son instinct et être têtu. En 2003, lorsqu’on a voulu faire un disque pour enfant, tout le monde nous a dit que c’était ringard et qu’on était malades. Résultat : c’est notre album le plus vendu à ce jour (NDLR : 140 000 exemplaires). Depuis, nous en avons sorti deux autres et cela a fait découvrir le groupe à une nouvelle génération.
Comment expliquez-vous que vous ayez très peu joué dans des SMAC (Scène de musiques actuelles) ou les gros festivals ?
Je ne l’explique pas, mais c’est peut-être une question d’image. Aujourd’hui, faire de la chanson française n’est plus à la mode. Certains programmateurs nous ont qualifiés de « groupe à merguez » (rires). Ce n’est pas important pour nous, l’essentiel c’est qu’il y ait du monde au concert et c’est le cas.
En parlant de mode, vous en avez vu passer en 24 ans de carrière, comment reste-t-on « à la page » ?
En 2000, la chanson, de l’accordéon, des guitares acoustiques, il n’y avait que ça. Les modes changent, mais nous faisons ce que l’on sait faire. Chaque fois que l’on a essayé de s’adapter à la tendance ou de faire des chansons dans un format radio, nous nous sommes plantés (rires). On n’est pas bloqués dans le rock alternatif des années 80 pour autant. On s’est beaucoup tournés vers les musiques du monde, fait des tonnes de collaborations, de formats de concerts différents.
Faire de la musique votre vie était une évidence ?
C’est une histoire de famille, notre père était musicien et a tout arrêté pour nous élever. À la maison, nous avions une véritable brocante d’instruments dans laquelle on pouvait se servir. On a commencé à jouer dans les bars, dans la rue etc. Au lycée, je faisais déjà une centaine de concerts par an, je n’ai pas eu le temps de faire autre chose de ma vie. On est montés dans un camion et on n’en est jamais ressortis (rires). Le bouche à oreille a fait le reste. Il n’y a pas de secret, il faut jouer un maximum !
Vous voyez-vous rempiler pour encore 24 ans ?
On ne parle pas d’arrêter en tout cas. Tant qu’il y a des projets, on est motivés. Et là, on en a jusqu’en 2027 !
Interview réalisée par PIERRE-FRANÇOIS CAILLAUD