Deux ans après la sortie de Mémoires Vives et une belle tournée hexagonale, Grand Blanc revient avec Image au Mur, un deuxième album étonnamment solaire s’éloignant du bitume et de la grisaille de ses premières sorties. Entre rock, électro, pop et chanson française, le groupe n’a pas pris son parti et c’est tant mieux !
Cette possibilité de parler au public, à transmettre des émotions, à chanter et à en faire un métier était-elle un rêve ?
Adolescents, nous ne nous regardions pas dans la glace avec une guitare. On n’a pas arrêté l’école à 16 ans pour faire de la musique. Nous faisions tous des métiers liés à l’art, mais vivre de la musique était un rêve encore inavoué et inaccessible. C’est seulement lorsque Grand Blanc a commencé à fonctionner que l’on s’est dit que c’était possible. Aujourd’hui, on ne se voit plus faire autre chose… Et puis, on n’a pas un « sens pratique » assez développé pour travailler dans un bureau (rires).
Avec le succès sont inexorablement arrivées les critiques, y êtes-vous sensibles ?
Un commentaire sur internet de quelqu’un qui critique des artistes toute la journée a moins d’impact qu’un pote qui me dit qu’il n’a pas aimé l’album… Comme tous les artistes, nous aimerions que la terre entière adore ce que l’on produit, mais c’est impossible. Je suis le premier à me marrer devant les articles de Gonzaï qui démontent les groupes, mais quand ça tombe sur toi, c’est forcément moins plaisant. Puis tu prends du recul et tu prends le parti d’en rire car c’est le jeu !
Quelle est l’ambition de produire un album aujourd’hui quand des centaines de disques sortent chaque semaine ?
Il faut de l’ambition, c’est le seul moyen de se projeter dans l’avenir ! Pour ce deuxième disque, l’idée était de raconter quelque chose de sincère que l’on pourrait justement assumer face aux critiques.
Les groupes ne parlent jamais des concessions à faire pour qu’un disque marche. Comment fonctionnez-vous ? Vous vous dites « il faut qu’on compose un single » ?
C’est important de savoir rendre sa musique accessible. Je n’ai pas l’impression de me prostituer parce qu’une chanson est plus accrocheuse qu’une autre. Notre label ne nous met pas de couteau sous la gorge, on fait ce qu’on veut. Et puis, le premier single de l’album fait quand même 9min40 !
En parlant de single, quelle est ta définition d’une chanson pop parfaite ?
C’est une chanson où l’artiste s’exprime sincèrement tout en se souciant d’être compris.
Dans la chanson Los Angeles, vous parlez du voyage, mais on ne sait pas s’il est réel ou fantasmé. Donnez-vous plus de valeur à l’imagination qu’à la réalité ?
Avec tout ce flux d’informations et de photos auxquels nous sommes tous confrontés aujourd’hui, la réalité et l’authenticité sont évidemment mis à mal. Est-ce que le réel est constitué de matière ou n’est-il que dans notre esprit ? Je pense que le réel, c’est les connexions qu’il y a entre les deux.
Entre la création d’un disque et sa sortie, il y a plusieurs mois, parfois une année entière. Est-ce qu’il peut vous arriver d’être complètement détachés de ces nouvelles chansons au moment de les défendre ?
Oui, c’est toujours très perturbant ! L’avantage, c’est que cela permet de digérer ton disque, de comprendre réellement ce que tu as fais, de pouvoir l’interpréter avec nuance sur scène sans avoir l’impression d’être un perroquet, ce qui est impossible lorsque tu es dans la phase de création.
En parlant des concerts, vous avez récemment assuré les premières parties d’Indochine, avez-vous appris des choses de ces concerts dans les Zénith ?
On les a beaucoup observés. Ils font presque un autre métier que nous, c’est un show titanesque. Tu ne joues pas pareil devant 15 000 personnes que dans un club. Dans une grande salle, personne ne voit ton visage, tes expressions, il faut physiquement se mettre en scène pour être compris.
Justement, se sent-on un peu ridicule quand on demande à la salle « est-ce que ça va, Toulouse ?» alors qu’évidemment on ne demande pas à chaque spectateur de répondre « Et bien moi, je me sens bif-bof aujourd’hui, ma voiture est en panne etc. » ?
Forcément (rires) ! On a justement trouvé des moyens d’être sincère en le disant. Je n’ai pas de problème avec le fait de proposer une forme d’entertainment. Nous voulons faire en sorte que les gens lâchent tout, qu’ils soient en phase avec eux en sortant du concert, qu’ils terminent en sueur s’ils voulaient danser, qu’ils acceptent de pleurer s’ils sont tristes.
Pour finir, notre question rituelle, comment réagis-tu lorsque, pour te faire plaisir, quelqu’un passe une chanson à toi en soirée ?
J’ai envie de me cacher ! Cela part toujours d’une belle intention, donc ça me touche, c’est sûrement pour ça que je me planque derrière le canapé (rires).
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.