Didier Super avait tout pour devenir une rock star. Sauf que ce super-héros de la provocation et du politiquement incorrect est un punk, un vrai ! Didier Super dit tout haut ce que personne ne pense tout bas et ça fait du bien ! Depuis 2008, l’auteur de Y’en a des biens a sorti deux fois le même album, monté une comédie musicale, fait chanter « le Coran c’est moins bien que la Bible » à des femmes voilées et sort aujourd’hui Vacances à Vos Frais. Entretien avec Olivier Haudegond, de son vrai nom.
Ton dernier album est plus arrangé et « musical » que les précédents, est-ce le fruit d’une réflexion ?
J’’ai enregistré l’album à Vanuatu, près de la Nouvelle-Calédonie, avec The Aro String Band, un groupe local. C’est leur son, je n’ai pas eu le choix (rires). Sinon, je me contrefous de la musique et de l’esthétique. Il n’y a que douze notes, on tourne forcément en rond, ce que sortent les maisons de disques en est bien la preuve ! Tout doit être au service du texte.
Quel boulot faisais-tu avant de vivre de ton art ?
Oh, rien de grave (rires). Je faisais du chant avec des gamins d’école primaire. Mais je jure que je n’ai rien fait qui nuise à leur éducation, les gouvernements le font très bien eux-mêmes !
Comment est né ton personnage ?
Je l’ai inventé pour le théâtre de rue, je faisais le con sur un BMX. À 30 ans, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête ces conneries alors j’ai fait de la musique, c’est moins dangereux…
Quelles ont été les premières réactions face à ton humour ?
Binaire ! « J’adore » ou « je déteste » mais jamais « je m’en fous ». Mes proches pensaient vraiment que j’avais pété un plomb. Là, je reviens de Calédonie ou personne ne me connaît, il n’y avait que 60 personnes dans la salle et à la fin, ils étaient 50… Rien ne change !
Et lorsqu’est arrivé le succès en 2008 avec la chanson Y’en a des biens, t’es-tu senti dépassé par ce que tu faisais ?
On ne choisit pas son public ! À l’époque, ce dernier était très jeune et souvent aviné… À cet âge-là, tu veux te rouler par terre et c’est normal ! Je ratais un concert sur trois… Les spectateurs sont passés de l’état de curieux à celui de consommateurs. Le succès n’est pas une fin en soi, c’est une responsabilité ! Il a donc été urgent de décevoir une partie de ce public qui venait pour chanter avec moi les chansons qu’il connaissait par cœur. Tu t’imagines raconter une histoire drôle dont tout le monde connaît la fin ? C’est un peu con, non ? D’ailleurs, je ne joue que des chansons que les gens ne connaissent pas et quand j’en ai marre, je les enregistre. Tout le contraire des autres artistes…
Pourquoi ne joues-tu pas dans les salles subventionnées alors que tu attires beaucoup le public ?
Déjà, les programmateur ont un minimum de goût (rires) ! J’entends des « j’aime beaucoup ce que vous faites, mais mon public ne comprendra pas », ce qui revient à prendre les gens pour des cons. Parfois, ils ont peur de leurs élus, même si ces derniers sont socialistes. Parfois, il y a plus de liberté avec les élus de droite, ce qui montre bien ce qu’il se passe actuellement avec le Parti Socialiste (rires).
As-tu déjà été censuré ?
Une fois, dans une interview pour Le Point où j’avais comparé les intermittents aux militaires, sur le fait que ces derniers passent plus de temps à répéter la guerre qu’à la faire, sauf que personne ne remet en cause la rémunération des soldats. Sinon, mon succès relatif fait qu’on me laisse tranquille. Un jour, Radio Shalom a eu vent de mon spectacle et est venu me voir. En sortant, ils m’ont remercié (rires) !
Quel regard portes-tu sur les humoristes d’aujourd’hui ?
Je suis peu concerné par « l’humour légal » ou télévisé. Les textes sont interchangeables et manquent de personnalité. J’adore Nicole Ferroni ou Arnaud Aymard, ils ne sont pas très connus mais ça marche pour eux. Comme ils sont bons, ils n’ont pas besoin des médias pour faire croire que c’est bien !
Justement, est-ce facile de composer des chansons drôles lorsque ça devient un métier ?
Si ce n’est pas le cas, il faut rentrer chez soi ! Ce n’est pas facile tous les jours, on est plus ou moins bon, mais je n’ai qu’une contrainte qui est celle de m’amuser, il y a pire ! Mon astuce, c’est de n’écrire que pour moi.
Penses-tu que l’humour soit plus efficace pour éveiller les consciences que de grands discours?
Je ne détiens pas une vérité que les gens n’ont pas, je lève simplement un voile sur des vérités qu’ils connaissent déjà. Individuellement, chacun est sensé et étonnant d’intelligence. En revanche, une foule, c’est un peu con…
En parlant de foule, quel regard portes-tu sur les mouvements sociaux auxquels on assiste ?
C’est normal ! On dit que le gouvernement est incompétent, mais non ! Il est très très compétent, mais au service des grands patrons du CAC 40, pas au nôtre. On assiste à une lutte des classes inversée, les riches attaquent les classes inférieures et les gens commencent à s’en rendre compte. Nuit Debout, c’est bien, il faut que ça prenne de l’ampleur, mais les médias n’y participent pas parce qu’ils sont financés par l’ennemi.
Avant d’être musicien, tu es comédien. As-tu rêvé de jouer du Shakespeare ?
Je déteste le théâtre classique ! Si Molière est parti de Paris pour prendre la route, ce n’était pas pour devenir le totem intouchable qu’il est devenu. Pour moi, les œuvres s’inscrivent dans un contexte et certaines sont obsolètes depuis des décennies.
Et le théâtre contemporain ?
Je hais lorsque tout le monde applaudit debout par peur de passer pour un con alors que personne n’a rien compris et qu’il n’y a peut-être rien à comprendre. Je déteste le « faussement intelligent » alors qu’avant on faisait du « faussement bête ».
Comme ta musique ?
J’en sais rien, mais ça me fait plaisir quand on me le dit !
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.