Échappée du groupe La Femme et du duo Hologram, la jeune Marseillaise prend son envol en 2017 avec Monstre d’amour, un EP de rupture (amoureuse) suivi de Sainte-Victoire en 2018, un premier album plus conquérant qui rabiboche la pop moderne avec la variété française des années 80. Rencontre avec Clara Luciani, aussi intense que légère, à l’image de sa musique.
Quel a été ton premier rapport à l’écriture ?
Petite, j’avais un énorme mono-sourcil et un physique compliqué… Je me sentais seule et j’ai commencé à écrire. À 11 ans, j’avais un blog dans lequel j’écrivais des textes sans forme, tantôt autobiographiques, tantôt fictionnels. Puis sont arrivés les poèmes et enfin les chansons après l’achat d’une guitare dans un vide-grenier. L’écriture a toujours été nécessaire pour moi. Avant tout ça, j’ai même écrit une suite à Harry Potter !
Tu ne voudrais pas la publier aujourd’hui ?
Je crois que je l’ai perdue, c’est peut-être pas plus mal (rires) !
Tu as d’abord commencé la musique en groupe avec La Femme puis en duo avec Hologram, quel a été le déclic pour te lancer sous ton propre nom ?
J’en avais envie depuis longtemps, mais je ne me sentais pas légitime, je n’avais pas l’impression d’avoir quelque chose à dire. C’est une rupture amoureuse qui a tout déclenché. Se faire quitter arrive sûrement à 99,9% de la population, mais j’avais l’impression d’être la seule à ce moment-là (rires).
Ton premier EP était une sorte de journal intime, de chronique de ton chagrin amoureux, est-ce facile de le faire écouter à d’autres ?
J’ai mis énormément de temps à partager ces chansons, même à mes amis. C’était trop personnel… Puis j’ai commencé à digérer tout ça et me rendre compte que ce sujet n’était pas extraordinaire, mais universel. C’est ce type de chansons que je recherche quand je suis triste.
Et sur scène ?
Au début, je jouais toute seule avec ma guitare, je me disais « Qu’est-ce que tu fais ? T’es toute nue devant plein de gens à raconter tes tracas… ». J’y allais à reculons, mais l’impudeur fait partie du métier d’artiste.
Tu joues encore ces chansons après un album beaucoup plus lumineux. Te mettent-elles dans le même état ou t’en détaches-tu ?
Pour moi, dans un bon concert, il faut vivre ce que tu racontes. Cela rend l’interprétation parfois imparfaite, mais plus fragile. Même si aujourd’hui je joue avec un groupe, ce qui rend le concert plus léger, je conserve des moments guitare-voix. C’est là qu’on tisse les liens les plus profonds avec le public. Si je commence à me détacher d’une chanson, à penser à ma liste de courses, j’arrête de l’interpréter.
Durant des années, la variété française des années 80 était considérée comme ringarde, comment expliques-tu que des artistes actuels comme toi s’en revendiquent avec succès ?
Personnellement, j’ai toujours écouté William Sheller, Françoise Hardy ou Michel Legrand, mais c’est vrai que la variété a retrouvé ses lettres de noblesses. Même si pour les ados, la musique de prédilection reste le rap, pas la chanson française. Ça m’arrange beaucoup, je ne cherche pas à être n°1 des ventes (rires). Je veux juste faire des concerts.
Interview réalisée par PIERRE-FRANÇOIS CAILLAUD