Avant de pousser son dernier soupir, Goethe a demandé une dernière chose. Une turlute ? Non, « plus de lumière » ! La lumière, indispensable à un bon spectacle, c’est le métier de Marc Gagnerot. Le régisseur général du TNT occulte son autre passion, le son, pour nous parler projos, faisceaux et gobos.
Tu es régisseur général au TNT depuis neuf ans. Qu’y fais-tu ?
Je travaille avec une petite équipe de régisseurs et j’organise tous les plans de feu (les notices qui définissent la place sur scène et les caractéristiques des lumières, NDLR) des spectacles. Le TNT peut recevoir quatre ou cinq spectacles par semaine, je dois optimiser le temps de montage. Plus je suis rapide, plus les comédiens auront du temps pour répéter, et donc jouer dans de meilleures dispositions.
Comment es-tu arrivé à faire régisseur ?
J’avais un groupe de musique au début des années 2000 dont le régisseur son ne comprenait pas ce qu’on voulait. Alors j’ai commencé à regarder comment ça marchait. Je ne suis pas le plus perfectionniste, mais je suis débrouillard. L’adaptation, c’est le maître mot du régisseur. Je suis arrivé au TNT un peu comme un « imposteur » : je connaissais peu la lumière. Je m’y suis mis en passant mes nuits à lire les cours de mes collègues. Et à force de pratiquer et de regarder comment travaillent les copains, j’ai appris.
Mais que recherches-tu ?
… La magie. C’est subjectif, impalpable, c’est avec mes yeux et l’idée que j’ai du spectacle. Ça se joue à un bon mix de couleur : 5% de rouge en plus, 2% de bleu en moins…
Comme une peinture ?
Pas seulement : on choisit l’emplacement de la source, on définit ce qu’on veut valoriser. Il faut définir le sujet, saisir ce qu’il se passe sur scène.
Comment se déroule une journée type avant une représentation le soir ?
Si nous accueillons une compagnie qui a déjà un régisseur et un plan de feu, je me positionne vraiment comme un opérateur : j’aide pour la technique, mais je n’interfère pas dans les choix artistiques.
Et quand la compagnie n’a pas de plan de feu ?
J’en propose un au metteur en scène. Je dois rapidement cerner l’ambiance de la pièce et ses enjeux. Il faut user de psychologie : le metteur en scène veut avoir le choix, et c’est normal. Alors parfois je triche : je lui propose deux solutions moyennes, puis je lui dis « mais j’ai aussi cet effet-là, qui peut être super ». Il est ravi, et moi j’ai gagné un peu de temps !
Quel genre de spectacle préfères-tu éclairer ?
En musique, on va chercher à créer une ambiance, quitte à ne pas éclairer les musiciens. Au théâtre, il faut d’abord que le public voie les comédiens. La danse est plus artistique, on peut éclairer le plateau ou un endroit où il n’y a rien. J’aime beaucoup les spectacles pour le jeune public car on peut se permettre des « fautes de goût » : des lumières très flashy, des lasers, ou carrément sortir la boule à facettes.
En son comme en lumière, on dit que « plus on en fait, moins on en fait », c’est-à-dire ?
S’il y a un seul comédien sur scène et 50 projecteurs à disposition, l’écueil serait de tous les utiliser. Or, si je cale au sol du rouge, du vert, bleu, du jaune, j’obtiendrai juste un blanc dégueulasse. La recherche de la perfection peut nous faire perdre du temps. Or, le théâtre, c’est aussi créer du faux : le public demande à y croire, pas à ce que ce soit vrai !
Interview réalisée par TIM BLIT