« Mais mon rêve ma chérie, c’est de me perdre dans tes yeux bleus. D’être en vie, d’être amoureux. Va bien te faire enculer, salope. » Thérapie Taxi chante (en français) l’amour, le sexe et les relations alambiquées d’une génération urbaine en proie à la surconsommation plus qu’à l’engagement. Crues, aux fumets féministes et imprégnées par la libération morale et sexuelle de ces cinquante dernières années, les paroles s’apposent à une pop moderne faisant exploser les compteurs de Youtube.
Vos textes sont crus et intimes, vous arrive-t-il de vous auto-censurer ?
Raphaël : On ne se met pas si à nu que ça, on pourrait faire bien pire (rires) !
Adélaïde : On utilise un langage cru ou des insultes seulement si cela est intéressant pour l’histoire racontée dans la chanson. Mais on ne se pose pas des questions telles que « est-ce qu’on a le droit de dire ça ou ça ? ».
Raphaël : Nous sommes partisans d’un certain jusqu’au-boutisme.
Écrivez-vous pour vous-même ou pour faire passer un message au public ?
Raphaël : Tu écris pour toi, pour exorciser, mais tu as toujours en tête la question de savoir comment cela va être perçu. On veut forcément que cela plaise ou au moins provoque une réaction. Ceux qui disent le contraire mentent ! Si ce n’est que pour toi, pourquoi le sortir ?
Votre public perçoit-il l’humour et le second degré de vos textes ?
Adélaïde : Les gens comprennent que ce n’est que de la musique, mais on n’est jamais à l’abri d’un malentendu. Nous nous contentons de faire nos chansons et de voir si ça plaît ou non. Le reste, on ne le contrôle pas. On ne passe pas notre temps à lire les commentaires Facebook, sinon on ne ferait rien !
Vous n’êtes donc pas sensibles aux critiques que l’on vous fait face à ce succès soudain ?
Raphaël : Nos potes étaient déjà nos premiers détracteurs, nous sommes rodés depuis longtemps ! On est nous-mêmes très critiques sur ce que l’on fait, nous savons que nos chansons sont perfectibles.
Comment expliquez-vous ce retour aux textes francophones et à un langage moins académique ?
Raphaël : Cela vient du rap, c’est sûr ! On voit le succès de chansons comme Normal d’Eddy de Pretto ou Je te sens venir de Juliette Armanet, le public a aujourd’hui envie de plus d’authenticité.
La vidéo de Hit Sale cumule 17 millions de vues, comment compose-t’on une chanson « grand public » ?
Raphaël : Il y une part de hasard, une mélodie qui vient toute seule et qui fonctionne. Lorsqu’on a trouvé le refrain de Hit Sale, nous savions qu’on tenait quelque chose d’un peu magique. Ensuite, on utilise des astuces (faire apparaître rapidement le refrain, le BPM de la chanson, etc.) comme tout le monde.
Adélaïde : Un tube, c’est une chanson qui plaît à tous, mais qui te ressemble.
Maintenant que vous êtes professionnels, arrivez-vous à écouter de la musique sans penser au boulot ?
Raphaël : C’est un enfer ! Si j’ai un moment de doute et que j’entends une super chanson, je me dis que le niveau est trop haut, que je n’y arriverai pas.
Adélaïde : On développe une autre oreille, notamment en terme de production. Maintenant, je peux entendre quand un artiste a mis un bruit de table à la troisième mesure (rires).
Et écouter votre propre musique ?
Raphaël : Seulement les clips, car j’en aime certains. Mais je n’ai même plus de lecteur CD chez moi, je ne peux écouter mon disque que sur Youtube (rires).
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.