Il est loin, le temps où un Dominique Ané, freluquet et méché, posait timidement devant le LU pour ses premières photos de presse. Aujourd’hui, c’est en bon père de famille que l’on peut croiser Dominique A faisant la queue pour de proverbiales chocolatines à Trentemoult ou deviser en camarade compagnie dans un troquet du centre ville, bonhomme et pas éméché…
Au début des années 90, celui que des coreligionnaires des Beaux-Arts nantais surnomment encore Toto, a soldé la période groupe et new wave de son combo John Merrick. Mariant son goût pour l’indie rock et la chanson française, il forge quelques chansons où Suicide drague Barbara. Sans trop le savoir, il est, avec Miossec et Katerine, en train d’irriguer de sang neuf le paysage musical français. De faire école. Ces années-là, Dominique A vante – et reprend – tout autant le schizophrène chrétien Daniel Johnston qu’un Christophe (Les mots Bleus) comme une Dalida à moustache ! Ces options résument en partie son parcours « cul entre deux chaises », le voyant faire des allers-retours récurrents entre tentations grand public (La mémoire neuve) et oeuvre au noir (Remué), passer du pompeux Tout sera comme avant au minimal La Musique. Pour autant, notre homme semble avoir trouvé son équilibre avec Vers les lueurs et surtout Eléor : Dominique A, en phase avec l’air du temps, est enfin entendu d’un public qui a divorcé de beaucoup d’oeillères. L’oeuvre et l’auteur ont fait leur office. Plus rien ne s’oppose à l’adoubement (écrire magistralement pour les tutélaires Bashung ou Daho), le militantisme éclairé (l’investissement auprès des précaires avec Des liens) ni la littérature (dont le tout frais Ma vie en morceaux). En 2018, parvenu au demi-siècle, ce petit gars de Provins, éternel Janus, ne choisit plus : il nous offre l’électronique Toute latitude et l’acoustique La fragilité. Tels Jacques Demy, on lui souhaite une bonne perm’ à Nantes !
LIONEL DELAMOTTE