Grabuge Mag continue son exploration de l’Humour en France ! Après la scène avec Fabrice Éboué, la télévision avec Éric Judor, nous plongeons dans Youtube avec Norman Thavaud alias « Norman fait des Vidéos », l’homme au 11,8 millions d’abonnés. Actuellement en tournée de son 2e spectacle, le jeune papa de 32 ans revient sur 12 ans de Youtube.
Quel est votre métier officiel ? Youtubeur ? Comédien ? Réalisateur ?
J’ai trois boulots : humoriste de scène, youtubeur et… Papa. En ce moment, c’est le dernier qui prend le plus de temps (rires). De nos jours, il est indispensable d’être un homme-orchestre. C’est éreintant, mais cela permet de tout contrôler.
Avec vos vidéos Youtube, êtes-vous devenu une star en interprétant monsieur Tout-le- monde ?
La connexion entre deux esprits se fait souvent sur des éléments minuscules, mais fédérateurs. C’est un humour d’observation, je parle de « nous », de nos faiblesses et nos lâchetés. En revanche, je suis comme cela dans la vie, ce n’était pas une stratégie.
Beaucoup d’humoristes pratiquent cette observation du quotidien, qu’est-ce qui a fait la différence avec vous ?
Déjà, lorsqu’on a commencé à faire des vidéos avec Le Velcrou (NDLR : un trio composé de Norman, Hugo Tout Seul et Kemar), il n’y avait rien sur Youtube et Dailymotion, à part quelques vidéos de chats (rires). Rémi Gaillard était déjà là, mais son humour était plus « grotesque ». Sans le savoir, nous avions un temps d’avance et les projecteurs se sont tournés vers nous.
Tout est une question de timing ?
Pas seulement ! L’autodérision, c’est très bien, mais encore faut-il que ce soit pertinent. Il ne suffit pas de dire « je suis nul » devant une caméra pour que ça marche.
Les médias et le monde de l’Art ont rapidement regardé les youtubeurs de haut, comment l’avez-vous vécu ?
On s’est vite sentis jalousés par ces milieux. Les audiences des youtubeurs peuvent atteindre plusieurs millions, la connexion avec le public est incroyable, cela fait saliver beaucoup de monde, notamment la télévision.
Et depuis, ce regard a-t-il changé ?
Très peu, cela reste encore très compliqué d’évoluer en dehors de Youtube. Je ne le reproche à personne, c’est comme ça. Heureusement, j’ai pu faire plein de choses : du cinéma, des séries télé etc. Mais ce n’est pas le cas de beaucoup d’entre nous.
Vous êtes-vous parfois senti enfermé dans Youtube ?
J’ai souvent eu envie de fuir ce média. Au bout d’un moment, on a l’impression de ne plus évoluer, de régresser et de tourner autour des mêmes thématiques. Quelques fois, j’ai essayé d’aborder les vidéos avec un angle plus artistique, voire politique, mais c’était rarement compris par les abonnés.
Être apolitique est-il une condition sine qua non au succès populaire ?
L’idée est quand même de fédérer. Politiquement, je me situe à gauche et je crois qu’on peut le voir dans mes vidéos. Mais si je commençais à exprimer mes avis politiques sur tous les sujets d’actualité, je perdrais 50% des abonnés. Pour que ça marche, il faut parfois être un clown un peu lisse, c’est un des « canons » de Youtube et je le respecte. Il m’arrive d’être piquant, mais je ne serai jamais le Dieudonné de Youtube. C’est aussi comme cela que je me comporte dans la vie.
Le travail de la scène est-il plus libre à ce niveau là ?
Complètement ! Sur Youtube, la règle d’or c’est « pas de second degré ». Sur internet, il faut tout expliquer, tout justifier et prendre les gens par la main pour les amener où l’on veut. Le rapport est complètement différent sur scène. Lorsque le public vient à un spectacle, il est prêt à entendre des choses plus décalées, plus crues et sulfureuses.
Pourtant, vous restez actif sur Youtube…
Le destin m’y ramène toujours, car je sais que c’est le nerf de la guerre, que c’est ce média qui fédère une partie du public à mes spectacles. Si je stoppe Youtube, je crois que la machine s’arrête.
L’année dernière, des youtubeurs ont fait part en ligne de leur burn out, avez-vous vécu cela ?
Je n’ai pas été jusque là, mais j’ai connu l’addiction aux likes, cette angoisse d’enchaîner trois vidéos de suite qui marchent moins et de se dire « ma carrière est finie ». Aujourd’hui, j’essaye de rester dans ma bulle créative et de ne pas me soucier trop de ça.
Et les commentaires, comment les vit-on ?
Plus je m’y intéresse, moins je me sens bien (rires). Je suis obligé de regarder un minimum ce qui se dit, mais cela peut rapidement devenir destructeur. On n’est jamais prêt à ça, même avec le temps. Il suffit d’un commentaire qui touche la veine qu’il ne fallait pas toucher et ça t’anéantit. Parfois, les gens derrière leur écran ne se rendent pas compte du mal que cela peut faire.
Vos vidéos font toujours autant de vues, comment trouvez-vous encore des thématiques ?
C’est forcément plus compliqué qu’au début. Aujourd’hui, si j’ai un thème, je tape le mot clé sur Youtube et je trouve au moins 15 vidéos qui en parlent (rires). Je suis obligé de tout regarder pour être certain de ne pas répéter une seule blague qui a pu être faite.
Comment observez-vous l’évolution du contenu sur Youtube ?
Je trouve que ça devient parfois une télévision low cost, avec beaucoup de vidéos, beaucoup de contenus, mais peu de qualité. L’algorithme
pousse à cela. C’est le contraire de ce que j’essaye de faire.
Les ressorts pour faire rire le public sont- ils les mêmes sur scène qu’en vidéo ?
Avec Youtube, on peut tricher au montage en rajoutant des interventions de petits personnages drôles. Sur scène, c’est impossible, seuls le texte et l’interprétation comptent. Il n’y a qu’une seule prise, on ne peut pas recommencer son sketch.
Lorsqu’on écrit un spectacle, est-on à l’affût de la moindre petite blague au quotidien ?
Oui, on voit des blagues partout ! Si je suis avec des potes et que je fais une blague qui les fait rire, je vais la noter tout de suite alors qu’elle ne sera pas drôle du tout hors contexte.
Après autant de spectacles, vit-on les « bides » de la même manière qu’à ses débuts ?
Ça fait partie du jeu. Je crois qu’un bon comédien de stand-up, c’est celui qui arrive à rester de bonne humeur, même après un bide.
Avez-vous des envies d’acteurs ?
Oui, mais pour être honnête, j’adore interpréter mon « moi ». C’est toute la difficulté du stand up, être soi-même, mais mis en scène. Si le public pense que tu lui as parlé en improvisant durant une heure, tu as gagné.
Le Spectacle de la Maturité :
le 12 mars à L’Amphitéa (Angers – 49), 33 à 47 euros le 13 mars au Zénith de Nantes (Saint-Herblain – 44), 33 à 47 euros.