Du concert au Calysto devant dix personnes au tout début des années 2000 à la tête d’affiche du Hellfest 2019, un Olympia plein à craquer et bientôt un Zénith de Paris, Ultra Vomit pousse la blague à son paroxysme ! Le métal parodique des Nantais a la côte et ce malgré une pause discographique de neuf ans entre 2008 et 2017. Entretien avec Nicolas Patra alias Fetus, guitariste chanteur du meilleur groupe humoristique depuis Les Inconnus.
As-tu toujours voulu faire de la musique ta vie ?
En tant qu’élève médiocre, j’ai vite pris conscience que le monde du travail n’était pas pour moi. Heureusement, la musique est arrivée, un peu par hasard.
C’est à dire ?
Lorsqu’on m’a inscrit dans une chorale, j’ai rapidement observé que j’avais une bonne oreille. Plus tard, je suis allé chez un pote qui avait une batterie. Je l’ai essayée et à la fin de la journée, j’arrivais à faire des trucs que lui n’arrivait pas à effectuer… Je n’ai pas pris un plaisir monstre, mais j’ai compris que j’étais plutôt bon là-dedans. J’ai joué dans des petits groupes de reprises, puis est arrivé Ultra Vomit avec qui j’ai atteint mon rêve : faire ce que j’aime sans avoir de responsabilités (rires).
Pourquoi neuf ans d’écart entre Objectif : Thunes et votre nouvel album ?
Déjà, les membres du groupe étaient géographiquement éloignés, on ne se voyait plus que pendant les concerts. Mais je crois surtout qu’on a trop pressé le citron. La tournée a duré quatre ans, j’ai fait face à des problèmes de voix, nous n’avions pratiquement pas composé et je ne voyais pas comment comment faire mieux qu’Objectif : Thunes. Avec Andréas & Nicolas (NDLR : l’autre groupe de Nicolas), nous étions en pleine effervescence créative. J’ai suivi l’inspiration sans penser que cette pause serait si longue.
Cela a-t-il créé des tensions dans le groupe ?
J’ai souvenir d’une engueulade, la seule qu’on ait jamais eue, juste avant de jouer à L’Élysée Montmartre. Au lieu de nous concentrer sur le concert, on parlait d’intermittence, de cachets… Manard (NDLR : batteur du groupe) voulait des garanties, ce qui est normal, mais je ne pouvais pas lui en donner car ce métier ne marche pas comme ça. Il y a eu une période un peu tendue où j’avais le poids de l’intermittence de tout le monde sur les épaules. Quand Manard a fini par prendre un boulot stable, ça m’a soulagé. Aujourd’hui, il pourrait redevenir intermittent, mais il préfère anticiper et son patron est un fan du groupe, ça aide pour se libérer du temps.
Durant cette longue pause, as-tu imaginé que le groupe était terminé ?
Jamais. Lorsqu’on a recommencé à tourner, sans album, avec un nouveau bassiste plus jeune, l’énergie est revenue. Nous avons donc réservé un studio pour avoir une échéance. Jusqu’au dernier moment, j’ai flippé car certains morceaux étaient assez faibles… Heureusement, des surgissements sont arrivés juste avant l’enregistrement comme Kammthaar, Takoyaki ou Évier Métal, les chansons phares du disque.
Vous avez encore plus de succès aujourd’hui qu’à l’époque d’Objectif : Thunes, comment l’expliques-tu ?
C’est incompréhensible (rires). Mais ça nous a conforté dans ce choix de ne pas « battre le fer tant qu’il est chaud » juste après Objectif : Thunes, comme notre label nous le demandait. Si nous avions enchaîné, l’album n’aurait pas été aussi bon. Il aurait marché, mais le groupe serait mort à petit feu.
Avec le succès viennent forcément les détracteurs, comment le vis-tu ?
Quand nous faisions du métal extrême, la caution « underground » nous protégeait de cela. Mais avec Objectif : Thunes, on s’est fait défoncer dans des webzines métal. Même lorsque qu’Andréas et Nicolas a signé sur un label métal, certains pensaient que nous volions la place de « vrais groupes de métal ». J’ai mis du temps à prendre du recul là-dessus.
Quel est le plus complexe dans la composition ? La musique ou la blague ?
Ce n’est pas compliqué de trouver un riff sympa, le plus dur reste de trouver la vanne qui colle. Durant notre période de doute, on a même pensé à sortir un album entièrement instrumental, mais ça n’aurait pas fonctionné après neuf ans d’absence.
Lorsque les gens viennent à ta rencontre, essayent-ils toujours de te faire rire ?
J’ai souvenir d’une interview où un gars nous posait des questions horribles genre « qui a la plus grosse b*te ? » en mettant des masques de présentateurs télé. C’est le moment le plus gênant de ma vie. Je ne suis pas tout le temps en train de blaguer. Sans rentrer dans le cliché « tous les comiques sont sous Lexomil », l’humour cache souvent un manque.
Pour vous, la parodie est-elle une moquerie ou un hommage ?
Il nous serait impossible de parodier une chanson que nous n’aimons pas car nous n’aurions tout simplement pas envie de l’écouter. C’est parfois ce que je peux reprocher aux autres groupes humoristiques, tout est dans la vanne, mais on oublie qu’il faut que le morceau soit bon, même pour un étranger qui ne comprend pas la langue.
Vous arrive-t-il de vous auto-censurer ?
Souvent ! Pour le dernier album, nous avions un super morceau sur lequel nous chantions langoureusement « PD », ça allait trop bien avec le riff. Pour nous, ce n’était pas du tout homophobe, mais ça nous gênait. Nous sentions que les gens focaliseraient dessus, ce que nous ne voulions pas.
Pourtant, vous avez des morceaux déjà « osés » pour notre époque…
Bien sûr ! Je Possède un Cousin évoque la pédophilie, Je ne t’es Jamait Autans Aimer la nécrophilie… Mais ça passe, on ne peut pas penser que c’est sérieux.
As-tu des morceaux que tu assumes moins avec le temps ?
Montrez-moi vos miches, Madame et Super Salope qu’on a écrits avec Andréas & Nicolas, je ne veux plus les chanter en concert. Ils pourraient être mal interprétés.
Crois-tu qu’on ne peux plus rire de rien aujourd’hui ?
Parfois… Mais tout cela ça a permis à d’autres gens de s’exprimer, de dire aussi « ça ne me fait pas rire », que parfois ça fait mal. Même si je pense que ce n’est pas malintentionné, je ne serais personnellement pas fâché qu’on arrête de chanter « oh hisse enculé » dans les stades.
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.
En concert le 2 novembre au Zenith de La Villette (Paris – 75) avec No One is Innocent et Tagada Jones