Suite de nos aventures au Hellfest 2019, après un vendredi passé à lutter contre mon propre corps, ce samedi est clairement celui de la réconciliation.
Mambo n°666
Troisième jour de festivités (si on compte le Knotfest) et un rendez-vous manqué d’entrée de jeu : en pleine activité professionnelle à l’espace presse, je loupe Will Haven. Je vous en parle tout de même ici, car selon un ami peu versé en musique extrême “c’était comme si on mettait tous les styles de metal en bordel au milieu du scène et qu’on touillait très fort“. Ça avait donc l’air TRÈS BIEN.
Sur les coups de 14h, étant désormais prêt à tout casser et en pleine possession de mon petit corps, je décide de me faire une journée en suivant le théorème de Piccadilly. Celui-ci démontre que l’appréciation qu’on a d’un concert est directement proportionnel à la distance qui nous sépare de la scène. Je plonge donc au cœur de la bête pendant The Fever 333, du rap metal un brin emo qui se produit en mainstage. Fort bien m’en a pris, car si, sur album, ce groupe a une prog très lisse, sur scène ils ont l’énergie d’enfants hyperactifs piquant une grosse colère. Ils lancent des morceaux d’instruments, ils glissent, ils sautillent partout et font d’autres figures scéniques rafraîchissantes, comme casser la grosse caisse, y mettre sa tête et gueuler dedans comme un goret. C’était TRÈS BIEN, et d’autant plus appréciable que rien ne me préparait à leurs intenses chorégraphies et à leur sincère envie d’en découdre.
Après quelques bières au camping, il est l’heure de retourner twister comme un beau diable sur le rock sexy des Eagles of Death Metal. Quel groove ! Quel déhanché ! Quelle pilosité soyeuse ! Mes articulations partent tous azimuts et seuls les 39 personnes qui m’ont slammé dessus ont pu interrompre mes pas de danse (ce chiffre est réel, car au bout d’un moment j’ai compté). La setlist très ensoleillée des Californiens va parfaitement avec le climat bouillant qui règne en ce 22 juin à Clisson, alternant reprises de qualité (Moonage Daydream de David Bowie, Ace of Spades de Motorhead) et tubes sensuels (Cherry Cola). Il manquait juste peut-être I wannabe in LA pour parfaire le tableau, mais c’était quand même TRÈS BIEN.
Hell à table
Toute cette activité corporelle m’a donné faim, donc passons à présent au moment gastronomique de ce report, si vous le voulez bien. Ayant fait des choix peu judicieux hier avec une salade au thon catalan en conserve et un “falaf’hell” archi dégueulasse, je décide de ne pas me faire avoir aujourd’hui et de prendre le temps de la régalade. Après un tour d’horizon des différentes denrées proposées, mais surtout des kilomètres de queue qu’il faut affronter pour grignoter quelque chose, mon cœur balance entre la spaziflette, une pizza reine, le burger ou le pulled pork du HellSnack. Je décide au final de tout goûter, par professionnalisme. Bilan de l’opération : deux déceptions (la spaziflette et le burger trop fades), un prix du public (le pulled pork au cheddar, très correct) et une belle surprise avec la pizza reine de Nico qui remporte haut la main le concours des meilleurs trucs ingérés ce samedi 22 juin. Son point fort ? Sa générosité. En guise d’illustration de cet instant cuisine, voici une photo de moi entre un stand de Sojasun et un de Spaghet :
“Dans la Valley, oh oh…”
Quoi de mieux pour digérer qu’un bon concert épais et planant sous la Valley ? Je vais donc me placer encore une fois bien devant pour The Ocean, mais catastrophe : malgré mon respect du théorème de Picadilly, je m’emmerde. Le groupe fait tout pour être bien aquatique comme il faut et je suis extrêmement réceptif à ces ambiances d’habitudes, mais là ça m’en touche zéro sans faire bouger l’autre. N’aurais-je plus d’âme ? Suis-je mort à l’intérieur ? Je pars méditer là dessus au camping et décide de retenter ma chance sous la Valley avec un groupe japonais que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam, Envy.
Je ne connaissais pas Envy, je n’avais jamais écouté, et ma vie n’était donc qu’un mensonge jusqu’ici. Dès les 1ères mesures qui parviennent à mes oreilles, mon cerveau s’excite et me confirme que je suis bien vivant de l’intérieur, tout compte fait. La présence du chanteur en particulier est remarquable : il passe de la douce politesse mélancolique à l’explosion de pure énergie dans de merveilleux entrelacs, et fait de la poésie avec ses mains. C’est indéniablement le meilleur concert du Hellfest jusqu’ici, peut-être toutes éditions confondues. Si vous trouvez que j’exagère, sachez que les larmes coulaient à flots dans le public, je n’avais jamais vu ça (à part peut-être à la fin du film Coco). Pour ma part j’étais à deux doigts de craquer et seul la vision d’un gros beauf torse nu en lunettes de soleil de moniteur de ski qui beuglait pour rien juste devant moi m’a empêché de céder à la grande émotion.
Envy Envy Envy
Après 1h de transcendance, je suis complètement chamboulé en sortant de la Valley et j’hésite à rentrer directement me coucher pour garder tous ces sentiments intacts. J’entendrai dans la soirée plusieurs histoires de festivaliers émus ayant décidé de faire ce choix, mais j’opte personnellement pour profiter un peu du charme nocturne des décors Hellfest. J’y vois beaucoup de feu, des bolas qui font étincelles, de la joie et de la ripaille, mais aussi des gros dodos dans du vomi et un couple jouant au solitaire sur leur téléphone (pourquoi pas). J’esquive habilement Kiss et taille le bout de gras avec des quidams plus ou moins enclins à la discussion (malgré mon esprit charmeur et mes bonnes manières), puis retourne une troisième fois dans la Valley pour Cult of Luna.
Les Suédois font clairement le taf et le jeu de lumière est superbe, mais mon esprit s’échappe irrémédiablement vers les réminiscences du concert d’Envy. Pareil pendant Architects, que je tente de voir après, et je décide donc de mettre un terme prématuré à cette journée. Sur le chemin qui me sépare de ma tente, je tombe sur des combats de caddies, maintenant organisés dès 1h du mat à l’entrée même du camping. Donc juste sous le nez des bénévoles et de tout le monde, en fait… J’interviens rapidement pour rappeler à tout ce beau monde que c’est PARFAITEMENT ILLÉGAL, et leur intime l’ordre de se disperser. Je n’essuie en retour que des regards amusés et enivrés, ce qui me convainc définitivement qu’il est grand temps de mettre de l’ordre dans ce pays… Enfin bref, avant de créer une cagnotte leetchi pour le SNU et de retrouver Envy dans mes rêves, je fais le bilan de la journée avec mes co-campeurs. En écoutant leurs aventures aussi sympathiques qu’éloignées des miennes, je mesure l’immense variété des expériences qu’il est possible de faire ici. J’ai vécu une merveilleuse journée, mais j’aurais pu en vivre une aussi merveilleuse en faisant tout à fait autre chose. C’est aussi ça le Hellfest !