Les rois de la pop orchestrale française sont de retour avec Mouvement, un troisième album toujours aussi galvanisant et riche que ses prédécesseurs. Rencontre avec Ghislain Fracapane, tête pensante du groupe rennais au line up à géométrie variable.
Quatre ans et demi séparent Audiorama et le récent Mouvement. C’est long à une époque où les artistes doivent continuellement fournir de l’actualité.
Nous ne sommes pas un groupe mainstream qui a besoin de sortir un album par an. On privilégie la qualité à la quantité ! Il fallait s’assurer que l’album soit meilleur que les précédents, sinon à quoi bon le sortir ? Cela reste une passion. Le reste, c’est le travail de la maison de disque !
Beaucoup de nouveaux artistes sont parfois seuls sur scène à chanter sur des samples de musique enregistrées. Vous, vous êtes huit sur scène !
C’est le maximum de personnes que l’on peut faire rentrer dans un camion (rires). Je trouve triste de regarder une personne seule à chanter sur un disque. Quel est l’intérêt, à part celui de l’économie financière ? Autant l’écouter dans ton salon ! Le but d’un concert a toujours été de voir des gens jouer de la musique.
Tu as joué (toujours d’ailleurs) dans de nombreux groupes de rock, qu’est-ce qui t’a donné envie de créer Mermonte et de tout composer seul ?
J’ai effectivement fait partie de formations math-rock qui fonctionnaient en démocratie. Avec Mermonte, je voulais aller vers la pop, ce qui n’intéressait pas les autres musiciens, et surtout ne pas avoir besoin de l’approbation des autres pour composer une chanson. C’est un projet annexe très solitaire qui est finalement devenu mon activité principale.
Seul, n’es-tu pas tenté de rajouter 36 000 couches d’instruments et de ne jamais finir une chanson ?
Justement, je rajoute 30 000 couches d’instruments (rires). J’arrête lorsqu’il n’y a plus de place et surtout quand je le sens.
À l’instar de groupes comme Arcade Fire, vous réussissez à faire des chansons solaires sans jamais tomber dans l’emphase ou le festif, comment trouvez-vous cet équilibre ?
C’est ce que j’essaye de faire. Je travaille souvent sur des accords majeurs dit « joyeux » et j’essaye de les rendre mélancoliques, sans tomber dans le « triste ».
Un artiste court-il toujours après la même chanson qu’il perfectionne ?
Je cours après quatre chansons, je pense. J’en ai enlevé certaines, comme celles où je joue pleins de notes, ça ne m’intéresse plus ! Il m’arrive aussi de prendre la ligne de basse d’une chanson que j’aime et de retravailler autour. Au final, le résultat n’a rien à voir avec le morceau de départ. Il y a toujours un peu de vol, c’est comme ça pour tous les artistes et ce depuis des décennies !
Comment définirais-tu une grande chanson pop ?
Elles est composée avec beaucoup de technique, mais s’écoute toute seule, il ne faut pas qu’on voit la difficulté. Un morceau comme Strawberry Feel Forever des Beatles est autant aimé par un public qui n’y connaît rien qu’un musicologue. Même le dernier Beyonce est en vérité très complexe, ce qui n’empêche pas les ados de danser dessus.
Question rituelle, comment réagis-tu lorsqu’on passe une chanson à toi en soirée ?
J’ai tout de suite envie d’arrêter le morceau, évidemment ! Dans un bar, ça me fait plaisir, en revanche. Les réunions de famille sont aussi drôles. On a forcément droit à « joue-nous une chanson » ou à un oncle qui demande « quand est-ce que tu passes à Taratata » (rires).
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud
En concert le 31 janvier à La Barakason (Rezé – 44) avec Fairy Tales in Yoghourt