En reprenant la devise inscrite sur les billets de banque américains, Cyril Abad annonce la thématique de son livre-photo : les liens entre le fric et la foi aux États-Unis, pays à qui le principe de laïcité est tout aussi étrange que l’idée de manger des escargots. Il annonce aussi la couleur – verte, comme le dollar – et pose cependant un regard simplement curieux sur des manières certes singulières de vivre sa foi, voire carrément ridicules, mais aussi, parfois, tout à fait sincères.
Dans In God we Trust, le photographe explore, le temps de sept reportages, cette Amérique profonde, celle des grands espaces un peu vides, entre deux métropoles, qui nous fascine et nous terrifie à la fois. Les sujets choisis lorgnent du côté du grand-guignol, avec ce parc d’attraction qui rejoue la Passion du Christ deux fois par jour, dans un décor à la Disneyland, ou la désormais célèbre réplique « exacte » et donc monumentale de l’Arche de Noé, qui cache en fait un pseudo-musée créationniste et prosélyte ; mais Cyril Abad s’intéresse également à des initiatives plus sympathiques, comme celle de ce cycliste qui parcourt chaque nuit avec son vélo-croix du Christ une ville de bord de mer fréquentée par les fêtards étudiants en « Springbreak », dans le but, un peu vain, de les évangéliser.
N’oublions pas qu’In God We Trust est avant tout un beau livre de photos et celles-ci sont particulièrement soignées et belles, souvent sur fond de beau ciel bleu, transmettant un sentiment d’immobilité, de plénitude et presque d’éternité, ce qui sied parfaitement au sujet. Un livre fascinant donc, tout autant que complètement flippant, et qui nourrit à la fois notre envie assez viscérale de critiquer les États-Unis, mais qui porte également un regard assez tendre sur ses sujets, et qui a le bon goût de laisser au lecteur le soin de décider qui est sincère et touchant, qui est manipulateur et répugnant.
Édité par Pyramyd et [revelatoer], 25 €, disponible.