Avec un CV long comme deux bras, Céline Royer vit le rêve américain à Los Angeles. Éclairagiste depuis une bonne vingtaine d’années, elle travaille aujourd’hui avec les plus grands artistes internationaux. Linkin Park, Neil Young, Beyoncé, Lady Gaga… tous·tes peuvent se vanter d’avoir collaboré avec l’expatriée française.
Alors que c’est plutôt l’heure de l’apéro chez nous, Céline démarre sa journée, de l’autre côté de l’Atlantique, à Los Angeles. Installée aux États-Unis depuis huit ans, elle exerce là-bas le métier d’éclairagiste. « Je fais principalement des concerts, mais aussi un peu de télé, de corporate shows… Je vais faire un peu ma Jean-Claude Van Damme parce qu’il y a des termes que j’ai complètement oubliés (rires) ». En pleine réalisation de ses rêves les plus fous, Céline a eu un vrai coup de foudre pour les États-Unis : « j’ai décidé de déménager il y a huit ans. J’ai toujours été attirée par les autres cultures. Déjà en France, je bossais avec des groupes suédois, allemands… ».
« Mon rêve de petite fille était d’être chanteuse »
Si la Californie est aujourd’hui son « home sweet home », Céline vient de Laval (en France, pas au Canada !). Au départ, elle ne se destine pas du tout à la lumière. C’est par la coiffure qu’elle commence « pour avoir un diplôme et faire plaisir aux parents ». Mais Céline ne l’oublie pas, son « rêve de petite fille était d’être chanteuse ». En parallèle de son métier de coiffeuse, elle chante dans un groupe, entame le conservatoire à Rennes et passe finalement son bac en candidate libre pour entrer en fac de musique. « En faisant des concerts, j’ai découvert les métiers offstage. Grâce à un ami ingé son de l’époque, j’ai pu faire un stage à l’Élysée Montmartre… en lumière ! ». Là-bas, elle ne traîne qu’avec les ingénieurs du son, pas franchement passionnée par la lumière. Un soir, on lui confie au dernier moment l’éclairage pour un concert de Manu Dibango et la magie opère : « j’ai adoré le sentiment que j’ai eu derrière cette console ! ».
Dans le grand bain du métal suédois
La vingtenaire découvre la tournée en tant qu’éclairagiste avec Keren Ann. Résolue à débuter une carrière dans la lumière, Céline travaille dans une entreprise de location de matériel. Elle y apprend beaucoup, mais la route lui manque ! Céline obtient finalement l’intermittence avec des missions au Cirque Phénix, sur des défilés de mode, des plateaux télé (On n’est pas Couché). Métalleuse, la jeune femme saisit des opportunités de tournées avec le Noyau Dur et Lofofora avant de partir avec Gojira en 2008, puis avec le groupe suédois HammerFall. « Ils avaient aimé mon style et m’ont contactée pour me proposer de designer leur show. C’était ma première tournée avec un groupe en tête d’affiche où je pouvais utiliser le matériel que je voulais ». Baignée dans la scène métal, Céline collabore de plus en plus des groupes suédois tels que In Flames, Katatonia, Blood Bath…
« J’avais toujours ce rêve américain dans un coin de ma tête »
À 26 ans, Céline se lasse des grandes tournées internationales. D’une opportunité à l’autre, elle intègre l’équipe de -M- pour une tournée française d’un an. « Je m’y plaisais, je pouvais rentrer toutes les semaines à la maison, mais j’avais toujours ce rêve américain dans un coin de ma tête ». Après la vente de son appartement à Paris, elle saute le pas et s’installe en Californie. « Je me dis que je vais partir, me planter, revenir à Paris et passer à autre chose ». Mais le destin et le talent de Céline en décident autrement. Aux États-Unis, il est d’usage de proposer des missions sans dévoiler le nom de l’artiste. Sans le savoir, elle dit « non » à Prince, deux ans avant son décès : « j’étais trop dégoûtée… mais une pote l’a eu, donc c’est bien ! ».
« De plus en plus, les groupes et leurs équipes cherchent à travailler avec des femmes »
Entre femmes du métier, il y a beaucoup d’entraide ! Si le milieu reste très masculin, Céline apprécie y voir de plus en plus de femmes : « on se soutient toutes les unes les autres. J’en connais pas mal, on est un petit réseau de nanas ». Elle en a fait l’expérience, les femmes ont toujours plus à prouver dans ce type de profession. « J’ai eu des moments un peu durs au début de ma carrière. Je suis passée à côté de quelques opportunités parce que je suis une femme, même si j’ai eu de la chance ».
De plus en plus, les groupes et leurs équipes travaillent en priorité avec des femmes, « certaines productions et artistes recherchent des femmes pour leur laisser la place, mais aussi pour leur minutie. Certaines female artists préfèrent s’entourer de femmes ». Céline l’a l’expérimenté avec -M-, mais aussi Linkin Park avec qui sa collaboration se voit brutalement interrompue par le décès de Chester Bennington. Malgré ce drame, ce travail auprès du groupe aux 100 millions de disques vendus représente l’envol de la carrière de Céline qui voit son nom apparaître dans plusieurs articles de presse. L’expérience reste un souvenir inoubliable pour la jeune femme qui considère l’équipe comme une deuxième famille. « Après Linkin Park, j’ai suivi Mike Shinoda (deuxième chanteur du groupe) sur son projet solo. Et c’est le design dont je suis le plus fière ! Moi qui n’aime pas la tournée, j’ai retrouvé la famille Linkin Park avec qui j’avais vécu quelque chose de très fort ».
« Me voilà partie sur la résidence de Lady Gaga avec Roy Bennet »
Avec Neil Young, Mary J. Blige, JLo, Incubus, Rupol… Céline enchaîne les gros contrats. Très créative, la designer puise son inspiration dans tout ce qu’elle voit. Son conseil : « aller voir un maximum de spectacles, concerts, expositions etc. N’importe quoi ! Je peux même trouver de l’inspiration dans un magasin de meubles pour peu que les matériaux soit mis en valeur par tel ou tel éclairage ». Durant la crise du Covid, elle travaille pour les studios d’Apple TV, mais la création lui manque. En octobre 2021, elle reçoit un SMS de Roy Bennett, l’un des plus grands designers lumière des États-Unis : « je l’ai découvert en matant un live de Nine Inch Nails et je me suis demandé : « mais qui a fait ça ?! ». J’ai flashé ». À la mode américaine, ce dernier lui propose du travail sur « un projet ». « Je reçois le texto, je mets quinze plombes à le lire et à réaliser. Il était impossible qu’il m’appelle moi ! ». Elle se décide à le contacter, mais refuse d’abord la tournée – afin de rester proche de chez elle et passer du temps avec son chien – pour finalement accepter les résidences à Las Vegas avec… Lady Gaga ! « Me voilà partie faire la résidence de Gaga et bosser pour Roy Bennet ! Ce genre de grandes figures s’avèrent particulières car elles vous donnent une idée de ce qu’elles veulent, mais sans précisions. Roy ne me disait rien, mais il m’a fait confiance ! ». 24 heures avant l’ouverture de la résidence, Lady Gaga décide de tout changer pour des lumières « plus pop ». « Il est 22h00, je sais que je vais passer la nuit ici pour rebosser tout le spectacle. Roy me dit : « bon courage, on se voit demain ! ». Finalement, tout se déroule bien, Gaga adore, me prend dans ses bras et me dit, en français, « tou é géniale, you’re like a DJ behind your lighting console ». J’ai accepté la tournée ! ».
On l’aura compris, Céline n’aime pas la tournée, mais la tournée, elle, adore Céline. À l’été 2022, la voilà à nouveau sur les routes pour suivre Lady Gaga dans les stades. Depuis, Céline a passé cinq semaines à Dubaï pour le concert controversé de Beyoncé, a été nommée pour les Parnelli Award dans la catégorie « Lighting Director » – aux côtés de l’ingénieur lumières de Billie Eilish – et a commencé à travailler sur deux tournées de Rupaul. Elle n’a pas fini d’écrire son incroyable voyage. En bonus, l’éclairagiste tease d’autres « gros projets », mais elle met un point d’honneur à garder les noms secrets… à la mode américaine !
Portrait réalisé par Louise Plessier et Tracass Asso dans le cadre du festival More Women On Stage & Backstage à Nantes, grâce au soutien de M45T, E.leclerc Clisson, Hurricane Music et la Ville de Nantes.
Toutes les infos sur l’événement More Women On Stage les 15 et 16 avril au Ferrailleur (Nantes – 44)