Plus qu’une humoriste engagée et une chroniqueuse acide sur France Inter, Sophia Aram est de retour sur scène avec un Le Fond de l’Air Effraie où tout et tout le monde y passe : le FN, Eric Zemmour, Valérie Trierweiler, les « bobos », les djihadistes et même ses échecs télévisuels. Rencontre avec une défenseur de la liberté d’expression et de la laïcité.
Les humoristes ont-ils politiquement de l’influence ?
Aucune ! On réconforte ceux qui pensent comme nous et on agace ceux qui ne pensent pas comme nous. On ne sert qu’à amuser ou à énerver !
Vous-vous revendiquez “de gauche et de mauvaise foi”. La neutralité est-elle nécessaire, voire possible, pour un(e) artiste ou un(e) journaliste ?
Non, je ne crois pas à la neutralité ! Dire d’où l’on parle est une nécessité. Je ne crois ni aux politiques « sans étiquettes » ni aux journalistes « objectifs ». Tout est politique, le choix du sujet, l’angle, l’état d’esprit, même le choix de ne parler de rien par les temps qui courent est un choix politique, ou un renoncement, ce qui est un acte politique.
D’ailleurs, question bête, mais qu’est-ce qu’être de gauche ou de droite, selon vous ?
Se déclarer de gauche ou de droite exprime un positionnement qui n’est pas figé dans le temps. Être de gauche au moment du Front populaire ou de François Mitterrand et être de droite sous De Gaulle ou sous Sarkozy ne recouvre pas du tout les mêmes choix politiques. Être de gauche ou de droite, c’est une indication assez vague renvoyant à un corpus d’idées ou d’orientations à un instant donné. Je suis assez chiante là ? (rires)
Votre public est-il toujours en phase avec vos convictions ?
Non pas toujours, mais c’est pas grave, on se parle.
Un personnage comme Eric Zemmour et l’écho de son discours sont-ils le reflet d’une société/d’un climat ou est-ce-lui qui crée ce genre de climat ? C’est un peu la question de la poule et l’oeuf, désolé…
Eric Zemmour est à la fois un vulgarisateur et un idéologue de l’extrême droite. Il promeut, diffuse, nourrit tout un ensemble de thèse. Il rencontre un écho dans la société et participe à amplifier, donner de la force à ce courant. Ce n’est pas à moi d’organiser ce qui peut être dit ou non. Il y a la loi, elle nous permet de dire ce que l’on veut en dehors de la diffamation, des appels à la haine et des propos racistes. Ce cadre-là me convient très bien.
Comment expliquez-vous que des discours que l’on qualifiera d’ultra-libéraux assez hallucinants sont aujourd’hui relayés avec beaucoup de sérieux alors que les discours humanistes, les alternatives économiques parfois très crédibles sont considérées comme des utopies irréalisables et décrédibilisées ?
Les ultras-libéraux n’ont pas le monopole en la matière, il y a aussi tout un ensemble de déclarations à gauche qui me font bondir. Quant aux alternatives économiques, elles sont comme toutes les idées émergentes, décrédibilisées dans le jeu politique mais celles qui tiennent la route font leur chemin. De toutes manières, la situation est telle, qu’il va bien falloir renouveler un peu notre façon de voir les choses.
Vous dites assumer votre “côté bobo”, c’est-à-dire un « bourgeois-bohème » qui gagne bien sa vie et dépense son argent dans la culture plutôt que dans des grosses voitures. Pourquoi cela devient-il une insulte ?
Ce n’est pas du tout une insulte pour moi. L’angle choisi par une partie de la droite et de l’extrême droite sur les bobos, consiste à définir les bobos comme des êtres déconnectés de la « vraie vie » et des « vrais gens ». Des individus privilégiés vivant dans une bulle confortable loin des difficultés matérielles et de la réalité. C’est loin d’être faux, mais je ne vois pas ce qui autorise quelqu’un qui a été élevé dans le château de Montretout près de Saint-Cloud m’expliquer que je suis plus déconnectée que lui. En plus, la plupart des bobos, souvent par idéologie ou pour se donner bonne conscience essaient justement de ne pas se couper des différents milieux dont ils sont issus. Ce qui est de toute manière un peu court pour mesurer la réalité de ce que vivent les personnes en situation de précarité en France.
Quelle-est la dernière chose qui vous a fait exploser de rire ?
Une blague qui circule en Syrie et qui m’a été racontée par un réfugié syrien : « Entre Daesh, l’Arabie Saoudite, le Qatar, Al-Qaïda, la Turquie, l’Iran, le Hezbollah, les Russes… C’est simple il y a tellement de forces étrangères impliquées dans ce conflit, que les Syriens auraient plus vite fait de quitter la Syrie et de revenir quand on saura qui a gagné ! »
Je cherche un humoriste se revendiquant de droite (qui ne soit pas Eric Zemmour) pour notre prochain numéro, auriez-vous quelqu’un à nous conseiller ?
François Fillon ?
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.