Connus pour leurs détournements de vieux films d’entreprises avec Message à Caractère Informatif durant les (dernières) grandes heures (1998 à 2000) de Nulle Par Ailleurs sur Canal +, Nicolas et Bruno revenaient il y a deux ans à leurs premières amours avec À la Recherche de l’Ultra Sex pour les 30 ans de la chaîne cryptée. Aujourd’hui, ce film détournant des films X d’action et de science-fiction sort en DVD agrémenté d’un livre narrant l’aventure de l’Ultra Sex qui leur ouvre les portes d’Hollywood.
Comment arrive-t-on a devenir « doubleur humoriste professionnel » ?
À l’époque du lycée, on s’amusait déjà à doubler des télénovelas, des films pornographiques, faire des photos. Après nos études, nous avions plusieurs options : le catéchisme, le scoutisme ou l’électro, mais on n’avait pas de synthé… On a bossé pour des maisons de disque, fait des films d’entreprise, puis rencontré Frédéric Beigbeder (pour qui l’on a adapté plus tard 99 francs au cinéma) puis Thierry Ardisson pour finir à Canal + et réaliser les fameux Message(s) à Caractère Informatif.
Comment expliquez-vous que ce programme soit devenu culte aujourd’hui ?
Internet y a participé après-coup ! En 1998, il n’y avait pas de réseaux sociaux et nous ne travaillions pas dans les bureaux de Canal +. Nous n’avions aucun retour à part Alain De Greef (directeur des programme à l’époque) qui nous disait qu’il se marrait. Le programme riait de nos lâchetés, de la solitude (même en groupe) et du jeu de masques du monde de l’entreprise.
Avez-vous expérimenté ce monde ?
L’esclavagisme moderne, pleurer à la machine à café, on l’a vécu et observé avec tous les petits boulots que l’on a faits avant. Même pendant le programme, nous faisions des semaines en immersion d’où l’on sortait vite car il fallait un peu de recul pour réussir à en rire.
Comment se décide-t-on à raconter une histoire faite de bouts de films porno en doublant tous les dialogues pour À la Recherche de l’Ultra Sex ?
Nous ne sommes pas des gros consommateurs de ce genre de films. Lorsqu’on faisait ça ado, nous avions quatre films chez nous. On a rattrapé le retardpuisqu’on a regardé 2500 films à raison de 30 par jour chacun. On a ouvert la Boite de Pandore, ou même la Boite de Bandor (rires) et nous y avons découvert un monde insoupçonné, une esthétique passionnante, délirante, une décontraction typique de ces films des années 70/80. Et il fallait absolument que la France découvre qu’on peut faire l’amour en faisant du roller !
Au départ, le film ne devait être diffusé qu’une seule fois pour les 30 ans de Canal +, racontez-nous « l’aventure » de l’Ultra Sex.
Le film a été projeté au Palais de Tokyo à Paris devant 500 personnes, puis les gens voulaient le programmer dans leurs salle ou leur cinémathèque. Cela a duré un an ! Le film a ensuite été projeté aux États-Unis, notamment dans un festival texan. Une production américaine veut l’adapter avec deux acteurs que l’on adore, mais rien n’est encore signé… Aujourd’hui, cette « aventure »fait même l’objet d’une exposition à Paris, c’est dingue !
Comment expliquez-vous ce succès ?
En riant ensemble, souvent très fort, les gens déculpabilisent de voir un porno. On y a rajouté des chorégraphies de robot auxquelles le public participe avec des costumes du film, des ateliers « comment devenir doubleur de films X » pour en faire une grande fête que l’on retrouve dans le livre.
Quelle est votre métier ?
On pense être scénaristes, réalisateurs et plus si affinités. Le bouquin que l’on sort montre tout ça : en plus du film, il y a un roman-photo dont on rêve depuis 20 ans, la recette d’un cocktail délicieux qui mélange la Suze et le porno, le Suzeboule !
Quel est l’avantage de travailler en duo ?
Nous avons toujours travaillé tous les deux. Mais on ne vit pas ensemble, on a chacun une famille. D’ailleurs, c’était difficile durant les visionnages de films X lors de la conception du film, il fallait bien faire attention à fermer la porte car « papa travaille » (rires).
Vous avez aussi réalisé le doublage français de la comédie néo-zélandaise Vampires en toute intimité, comment avez-vous abordé ce vrai travail de réinvention ?
Un ami de Canal + nous appelle : « Je suis en train d’acheter un film pour vous » ! On savait même pas qu’on pouvait acheter un film tout seul (rires). On l’a conçu comme les doublages de films des années 80 (E.T., Retour vers le Futur) avec un vrai travail d’adaptation tout en y injectant notre univers. Nous avions quatre mois pour travailler et trois semaines de studio avec de vrais acteurs (Alexandre Astier, Zabou Breitman etc.). Il faut savoir qu’aujourd’hui, exceptés pour les gros films d’animation, tous les doublages français ne sont réalisés qu’en une semaine.
Vous sentez-vous compris ?
Par le public ! Cela peut sonner prétentieux, mais on essaye de soigner le fond et la forme, ce qui est trop rare dans la comédie française. D’ailleurs, à l’époque du film La personne aux deux personnes (avec Daniel Auteuil et Alain Chabat), on a fait des interviews surréalistes où les journalistes nous demandaient si c’était une comédie OU un film d’auteur. Comme si c’était antinomique !
Interview réalisée par PIERRE-FRANÇOIS CAILLAUD