Originaire de banlieue parisienne où elle a suivi des études de cuisine à l’école Ferrandi avant d’intégrer quelques restaurants, Sarah Mainguy est ensuite partie en Amérique du Sud et a finalement déposé ses valises à Nantes pour co-créer le restaurant Vacarme en 2019. En 2021, nous la retrouvions, cette fois-ci à la télévision, en finale de la dernière saison de Top Chef. Grabuge a rencontré cette cheffe pas comme les autres, l’occasion de revenir sur sa participation à l’émission de M6, sa vision de la cuisine, son confinement et quelques « hérésies culinaires ».
Comment s’est déclaré votre amour pour la cuisine ?
Jeune, je cherchais ma passion. L’architecture me plaisait, mais j’étais nulle en dessin. J’ai donc commencé à m’exprimer en cuisine en allant voir ma mère en Allemagne durant les vacances scolaires. J’y ai eu tout le temps de jouer à l’apprentie chimiste et donc de faire beaucoup de conneries, soyons honnêtes (rires).
Vous souhaitiez ne pas apprendre auprès de chefs étoilés, pourquoi cela ?
Ce n’est pas un monde qui me faisait rêver ! D’abord, la compétition m’effraie, je ne suis pas du genre à débarquer avec mes gros sabots. De plus, la haute gastronomie cherche à produire de l’orfèvrerie, tout y est parfait, elle manque parfois d’émotion. J’ai moi-même du mal à imaginer une assiette contenant plus de trois goûts majeurs différents, cela ressemble à un amas de techniques pour moi. Je serais d’ailleurs perdue si je devais la manger. Ma cuisine est plus familiale, dans la tradition des bistrots et tout ce qui nous rappelle un plat de grand-mère. Cela dit, certains génies arrivent à allier les deux.
Opposez-vous la technique à la créativité ?
Non, la technique est le seul moyen de pouvoir s’exprimer. Il faut un minimum de connaissances classiques (lever un filet, retourner une viande etc.) si l’on veut, à la fin, créer sa propre technique. C’est ce que j’ai aimé dans la cuisine, elle ne demande pas trop d’études, on peut rapidement se faire plaisir.
Vous définissez votre cuisine comme « clivante », c’est-à-dire ?
Je fais parfois des associations qui peuvent déplaire ! J’aime prendre une recette classique et rajouter quelque chose qui, a priori, n’a aucun rapport, comme mettre des algues dans un dessert. Moi ça me plaît et j’ai envie de le faire découvrir, sinon cela n’a aucun intérêt de monter un restaurant.
Est-ce dans cet esprit que vous avez nommé votre restaurant Vacarme ?
Vacarme, c’est le bruit d’un restaurant où il fait bon vivre, pas un lieu silencieux et inanimé ! Au départ, nous voulions même l’appeler Voyou, mais le nom était déjà pris à Nancy. On a vite abandonné l’idée quand on a commencé à recevoir la première lettre d’avocat (rires).
Faites-vous partie de la première génération à avoir intégré la junk food dans la cuisine ?
Oui, mais aussi la cuisine du monde, à l’image de la génération actuelle, contrairement aux précédentes (qui ont produit des choses incroyables) qui se concentraient peut-être sur la cuisine traditionnelle française. Aujourd’hui, tout se joue sur les réseaux. Instagram constitue le meilleur moyen de découvrir des choses du monde entier, tout le monde trouve l’inspiration là-dessus.
Lorsque l’émission Top Chef vous a contactée sur Instagram, vous avouez avoir été réticente jusqu’à ce que vos proches vous convainquent d’y aller. Quels étaient leurs arguments ?
« Tu loupes quelque chose, tu vas le regretter dans trois ans ! ». C’est juste, il vaut mieux avoir des remords que des regrets. J’ai accepté de participer à la sélection en ne pensant pas y arriver, puis plus j’ai avancé dans la compétition, plus faire marche arrière devenait impossible (rires).
Avec tout ce qu’impliquent un montage télévisuel et les impératifs d’une émission de divertissement comme celle-ci, avez- vous ressenti un fossé entre ce que vous avez vécu lors du tournage et ce qui a été diffusé ?
Bien sûr ! Tout en sachant que ma vision est aussi biaisée, ces programmes télé créent des personnages avec les participants. Moi, j’étais celle qui manquait de confiance et qui n’a jamais travaillé dans un restaurant étoilé. C’est forcément réducteur et franchement bouleversant lorsqu’on y est pas habituée. Pour être honnête, la période de la diffusion n’a pas été agréable, j’ai vite arrêté de regarder l’émission pour garder mes souvenirs intacts.
Si le résultat de la finale n’est décidé que très peu de temps avant le dernier épisode, comment garde-t-on le secret d’être arrivée au bout de l’aventure lors de la diffusion ?
Je me suis quand même confiée à quelques personnes très très proches, cela m’a permis de tenir ma langue auprès des copains (rires). Chaque fin de diffusion d’épisode était assez drôle, je recevais des vingtaines de textos de copains qui me donnaient leur avis sur l’émission et cherchaient à en savoir plus !
Attendre cinq mois pour avoir le résultat final n’est-il pas terriblement long ?
Pas tant que ça, car je savais que je ne pouvais rien changer, rien faire de plus, je n’avais plus la main sur le résultat.
Avez-vous réussi à prouver quelque-chose lors de votre participation à Top Chef ?
Je crois avoir incarné le fait qu’on peut devenir chef sans posséder d’étoile. Il est important de montrer que la gastronomie, ce n’est pas que ça ! Il y a une majorité de petites brasseries, bistrots ou restaurants routiers que l’on ne met jamais à l’honneur.
Pensez-vous qu’une émission comme celle- ci participe à un regain d’intérêt pour la cuisine en France ?
Top Chef a changé beaucoup de choses, surtout à ses débuts ! Je fais clairement partie de cette génération qui s’est lancée grâce à ce type de programme. Auparavant, le métier de cuisinier était cantonné à « chef étoilé » ou « voie de garage », mes parents n’étaient pas emballés par mon choix professionnel. Top Chef a convaincu beaucoup de monde, dont eux.
Cette émission a-t-elle aussi produit des effets négatifs ?
Parfois, n’importe qui se prend pour un critique culinaire ! On peut lire des commentaires horribles sur Tripadvisor de gens qui n’ont pas aimé un plat parce qu’ils n’ont pas apprécié la musique de fond. Cela peut parfois être destructeur et injuste pour le cuisinier qui a mis son cœur dedans.
Lorsque le premier confinement est survenu, Vacarme n’avait même pas un an d’existence, comment avez-vous vécu cette période ?
C’était très difficile, comme pour beaucoup de gens. Nous avons essayé de rester actifs en proposant des plats à emporter, mais ça n’a pas servi à grand-chose financièrement, c’était plus pour nous sentir utiles qu’autre chose. Comparés à d’autres commerces, nous ne sommes que deux employés, la taille idéale pour survivre avec les aides de l’état, on ne peut pas se plaindre à ce niveau-là.
Et la reprise ?
Avec la notoriété que Top Chef nous a apportée, cela a été un tourbillon ! Cette publicité nous a permis de reprendre avec beaucoup de public, c’est un luxe. Pour autant, nous étions perdus avec toutes ces nouvelles normes sanitaires. Et puis, c’est un métier de passion où l’on ne compte pas ses heures, nous n’étions pas du tout habitués à nous arrêter aussi longtemps. La reprise nous a vidés physiquement et nerveusement, mais c’est reparti. D’ailleurs, nous ouvrons un nouveau restaurant en mai- juin 2022 ! Nous garderons l’ambiance funky de Vacarme et monterons en gamme, sans pour autant faire de la haute-gastronomie. La cuisine y sera créative et sans limites !
La gastronomie est-elle un art à part entière ?
La cuisine, oui ! Mais pour moi, les cuisiniers sont des artisans !
Nous parlions tout-à-l’heure de « cuisine clivante ». Pour finir, passons au crible quelques supposées « hérésies culinaires ». Que pensez-vous de la crème fraîche dans les pâtes à la carbonara ?
Il n’y a pas de crème fraîche dans la vraie recette ! C’est meilleur sans, mais j’avoue en mettre de temps en temps, c’est un plaisir coupable.
Le vin rouge avec le poisson et le vin blanc avec le fromage ?
Le vin rouge léger se marie parfaitement avec le poisson, tout dépend de comment il est cuisiné. Quant au fromage, le vin blanc (notamment pétillant) est bien plus adapté que le rouge. Le fromage est gras, l’acidité et la minéralité du vin blanc procurent un équilibre des goûts, contrairement au tanin du vin rouge.
La pizza à l’ananas ?
Pourquoi pas !
Le ketchup dans les pâtes ?
De temps en temps ! Cela me rappelle mon enfance.
Le surimi ?
J’adore ! Il faut savoir qu’au départ, c’est une spécialité japonaise traditionnelle qui consiste à récupérer les morceaux les moins nobles du poisson et les conserver, c’est une recette intelligente pour ne pas gâcher de nourriture.
Le beurre doux ?
Ça ne devrait même pas exister (rires).
Vacarme 5, rue des Bons Français (Nantes – 44 000)
Ouvert du mardi au dimanche de 12:00 à 14:30 et de 19:00 à 23:00
T. 09 87 34 18 82
Aller sur le site internet de Vacarme
Rejoindre le restaurant sur Instagram